Thérésita: la Venerable Maria Teresa Gonzalez-Quevedo

de la Congrégation Mariale de Madrid - 2

Egidio Ridolfo s.j.
(Traduction par Tilly Vanzina - Suzanne Crête)

Vers le choix décisif | La nouvelle! | Entrée au Noviciat - La neige!…

Marie-Thérèse Gonzalez-Quevedo en cathéchiste

Vers le choix décisif

Nous sommes en 1947, Thérésita a 17 ans. Pendant l'été, toute la famille passe ses vacances au bord de la mer, à Fuenterrabia, au nord de l'Espagne, tout près de la frontière française. Thérésita se sentait bien à l'aise à cet endroit: elle aimait pêcher les calmars avec les pêcheurs, jouer au tennis et participer aux danses folkloriques basques sur la place du village.

Pourtant elle n'oubliait pas de penser aux plus démunis. En effet, elle participait activement aux ventes de charité en faveur des Missions, en faisant le tour des magasins et ateliers pour se procurer des petits objects exotiques et tout ce que lui pouvait être utile.

C'est tout naturellement qu'elle attirait les regards des garçons, saisis par sa beauté‚ sa façon de s'habiller très élégante et la nature gaie de son caractère. Ils riaient, plaisantaient et chantaient avec elle, cependant beaucoup d'entre eux diront ensuite qu'à son égard, ils ne pouvaient pas dépasser la saine amitié, car ils voyaient en Thérésita, quelque chose d'indéfinissable, qui imposait un grand respect; ils pressentaient peut-être que son horizon allait au delà de celui qu'une jeune fille de son âge pouvait rêver et désirer...

En effet, Marie-Thérèse avait désormais pris la décision de "sauter le pas", de demander l'entrée au Noviciat des Carmélites de la Charité. C'était une décision que personne ne connaissait encore, et qui aurait pris presque tout le monde au dépourvu.

L'été achevé, l'année scolaire recommence. Ensuite à la fin d'octobre, il arrive quelque chose qui sort de l'ordinaire: la participation à un Congrès de la Jeunesse missionnaire, organisé à Tarragona par les Carmélites. Plus de 400 jeunes provenant de toute l'Espagne, arrivent dans cette ville, et le groupe de Madrid est conduit par Marie-Thérèse.C'était une participation, comme d'habitude, très active et enthousiaste.

Le sujet du Congrès, à Tarragona, était les Missions en Chine. Thérésita - qui était déjà sensible à ce propos - se laissa séduire encore plus par l'idéal missionnaire et on peut dire que ce dernier avait constitué une des motivations qui l'avaient poussée à choisir la vie religieuse - c'est-à-dire le rêve de pouvoir participer au premier plan au travail missionnaire. Entre-temps, elle avait déjà "adopté à distance" un enfant des missions, en envoyant de l'argent pour ses études.

Au cours de son Noviciat, elle manifestera explicitement ce désir: "J'ai une évidente vocation missionnaire, ma vocation est très claire".  Mais comme pour sainte Thérèse de Lisieux, qui aurait voulu quitter la France pour aller dans un Carmel au Vietnam - la maladie lui interdit de réaliser son rêve, du moins sur la terre...

Marie-Thérèse Gonzalez-Quevedo à 18 ans

La nouvelle !

Le 21 novembre 1947, elle décida de communiquer son choix à sa tante, Soeur Carmen, qui habitait à Carabanchel, là où se situait le Noviciat. Sa tante comprit le sérieux de la décision de sa nièce, mais elle essaya de la faire réfléchir: "Tu es trop jeune! Tu devrais attendre au moins jusqu'à 20 ans, comme tante Irène et moi..." "Ma tante, je crains que tu n'aies pas compris - ajoute Marie-Thérèse - Je suis bien résolue. J'y pense depuis longtemps. Même le Père Muzquiz approuve. C'est moi qui dois l'annoncer à ma famille et je veux le faire comme il faut. D'accord"?

Le Père Muzquiz lui conseille - vu sa dévotion particulière à la Vierge Marie - de communiquer sa décision à la famille, à l'occasion de la fête de l'Immaculée-Conception, le 8 décembre. Mais aussi à ce sujet, Marie-Thérèse a son projet bien précis: en faisant preuve d'une délicatesse exquise, elle choisit de communiquer la nouvelle seulement après l'Épiphanie, de façon à faire passer sereinement la période de Noël.

Le 20 décembre, les élèves se réunissent à la Chapelle pour prier ensemble avant de se séparer pour les vacances de Noël. Adelaide Muñoz - une de ses camarades - remarque que Thérésita pleure en silence... Évidemment Thérésita réalise maintenant le poids qui l'attend du détachement de sa famille, de ses amis, de ses camarades... Mais il s'agit d'un instant seulement et avec une grande force d'âme, elle reprend tout de suite sa bonne humeur habituelle...

Quelques jours après la veille de Noël, elle écrit une de ses dernières lettres "coquines" à son amie Marisa et lui décrit la nouvelle voiture achetée par son père: "Elle est magnifique, vert clair, avec l'air chaud et froid et beaucoup d'autres choses très belles: il n'y manque plus que la radio..." Elle raconte ensuite avoir participé à une fête: "Sais-tu qui est Maruja Parrella? Elle a fêté hier ses 18 ans: on m'a donné la permission d'y aller, même si la fête s'est terminée à deux heures et demie du matin... Je me suis amusée comme une folle et nous étions habillées comme les grandes personnes: je portais une jupe de velour noir longue jusqu'aux talons... La chose la plus drôle, c'est que j'ai porté des chaussures à talons..."

Mais, à la fin de la lettre, elle écrit:"Pourrais-tu me rendre le service de prier à mon intention? Je t'en serai très reconnaissante." L'amie ne connaissait pas encore ce que Marie-Thérèse se proposait de faire, d'autant moins qu'elle n'aurait pu le deviner d'après la teneur insouciante de sa lettre...

La période de Noël achevée, nous voilà arrivés au 7 janvier 1948. Comme décidé, Marie-Thérèse communique "la grande nouvelle" à son père... Son père comprends... il connaît bien sa fille et se rend compte que si elle a décidé de franchir le pas, c'est parce qu'elle est sûre d'elle, mais quand même, il essaie encore de la faire réfléchir:

"Ma Teresuca [petite Thérèse], est-ce que tu te rends compte de ce que tu dis? Toi, qui es si vive et as une telle vivacité de tempérament, toi qui t'amuses tant aux fêtes..."
"Papa, rien de tout cela me satisfait..."
"Tu sais, n'est-ce pas, que si tu deviens une religieuse, tu auras une vie pleine de sacrifices?"
"Oui papa, je le sais bien, mais c'est justement ce que je recherche."

Elle communique même à son père la date qu'elle a choisie pour entrer au Noviciat: le 23 février... À son père, un peu étonné, qui lui demande la raison de cette date, Thérésita lui répond tout simplement, en ouvrant les doigts de sa main: "Parce que regarde, papa, deux plus trois font cinq... c'est le nom de Marie..."

Entrée au Noviciat - La neige!…

La nouvelle se propagea bien sûr tout de suite parmi les parents, les amis et les camarades, et c'était une grande surprise pour tout le monde... Évidemment, les avis étaient différents: les uns disaient qu'il s'agissait de l'exaltation d'une adolescente, les autres commentaient que c'était bien dommage qu'une si belle jeune fille, élégante et intelligente comme Marie-Thérèse, aille s'enfermer dans un couvent, en renonçant à l'avenir qui aurait été certainement radieux!...

D'autres, après la surprise, avaient commencé à se rappeler, à réflechir... et ils disaient qu'elle aurait été une excellente religieuse...

Le 23 février approchait... Une autre passion de Thérésita avait toujours été la neige, qui ne manquait jamais à Madrid pendant l'hiver. La grande place d'Orient était idéale pour les batailles de boules de neige! Aussi bien que la cour de l'école, où Thérésita, en trompant la surveillance, s'allongeait sur le manteau de neige… parmi les éclats de rire de tout le monde!...

Le désir de la neige
pour le 23 février...

(B.D. d'Amelia Ippolito)

À l'approche du fameux jour, l'amie Consuelo l'appelle au téléphone:
- "Est-ce que tu es heureuse?"
- "Je suis très heureuse! Oui, je te l'assure, Consuelo, ce sera un jour heureux pour moi. Et si la Vierge satisfaisait mon petit désir..."
- "Lequel? Dis-le-moi!"
- "Que le jour 23... il puisse neiger. J'aimerais bien que ce jour-là tout soit blanc..."

Ce souhait en rappelle un autre pareil, exprimé longtemps avant en France, par Thérèse de Lisieux, le jour de sa Profession... et comme Thérèse, Thérésita Gonzalez-Quevedo sera aussi satisfaite...

La veille de son départ, le 22, son amie Amparo vient la saluer... et admire, tout émerveillée la robe magnifique que Thérésita portait... Elle paraît surprise de tant d'élégance... Thérésita comprend et sourit: "Toi, tu le sais bien, Amparin, j'aime être bien habillée... Mais lorsque j'entrerai au Noviciat, tout celà sera terminé. Je veux la sainteté, je n'aime pas la médiocrité."

Un peu plus tard, Consuelo l'appelle au téléphone: "Thérésita, je t'appelle pour te dire adieu!..." "Adieu, Consola! Est-ce-que tu vois quelle belle nuit? Il n'y aura rien de ce que..."

Donc pas de neige? Mais comme il était arrivé à sainte Thérèse de Lisieux, même ici, il arrive l'imprévisible... Pendant la nuit, la neige tombe dru et habille de blanc toute la grande ville de Madrid... Thérésita heureuse, le matin du 23 février, remercie Dieu pour Sa "délicatesse" à son égard...

Était-ce seulement une coïncidence? Mais c'était son jour, et maintenant tout est complètement blanc de neige, juste comme elle l'avait tant désiré...

Marie-Thérèse a encore un stratagème pour éviter à sa mère un dernier chagrin avant son départ... Avec un retard "de propos délibéré" lorsque sa mère l'attendait encore pour aller à la Messe, elle persuade son père et son frère, Louis, de l'accompagner très vite au Noviciat de Carabanchel...

Au Noviciat, elle est accueillie par la Mère Supèrieure, Soeur Marie-Thérèse Rodriguez qui, sans savoir le désir de l'aspirante novice, commente: "Qui sait si Thérésita a demandé la neige à Dieu, comme avait fait sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus?" Thérésita répond simplement: "J'aime beaucoup la neige..."


1 - Marie-Thérèse Gonzalez-Quevedo et la Compagnie de Jésus -- Les premières années -- La Congrégation de Marie -- Une prière chargée de… conséquences
2 - Vers le choix décisif -- La nouvelle! -- Entrée au Noviciat - La neige!…
3 - Thérésita novice à Carabanchel -- Le dernier mois de mai -- "J'ai gagné le premier prix!"


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