Da LE PETIT BOUQUET
Le quotidien électronique de l'actualité française.
No 597 - Paris, le vendredi 17 décembre 1999
** Ce courrier vous est offert par LE PETIT BOUQUET
et acheminé vers vous par les soins de
par La Mission scientifique et technologique
de l'Ambassade de France Aux Etats-Unis.


Libération se distingue ce matin en publiant le travail d'un des « rares
photographes à avoir travaillé en Tchétchénie ces dernières semaines ».
Bruno Stevens y a séjourné du 20 novembre au 5 décembre, se déplaçant avec
les hommes du président tchétchène Aslan Maskhadov. Son témoignage est
précieux. Il montre les civils fuyant par d'abrupts chemins de montagne,
les hôpitaux surchargés de blessés civils qu'on ne peut soigner faute de
moyens, le marché de Grozny déserté et noyé dans une brume opaque, sans
oublier les combattants tchétchènes. Et Bruno Stevens raconte. « Grozny
n'est qu'un champs de ruines et dès qu'on s'approche des bâtiments sans
fenêtres ni portes, on se rend compte qu'il y a des gens. Des gens très
pauvres pour qui leur maison est leur seul bien, qui n'ont pas de famille
ailleurs. Souvent, ce sont des gens âgés, parfois très âgés, et beaucoup de
femmes et d'enfants. Paradoxalement, la majorité d'entre eux est russe. Je
n'ai perçu aucune tension avec la population tchétchène : ils boivent la
même eau, partagent les mêmes repas, les mêmes caves-abris ; ils vivent
ensemble ».
Libération complète cet article d'un éditorial consacré à la campagne de
désinformation orchestrée par les forces russes. On apprend que l'envoyée
spéciale de l'agence Reuters à Grozny, Maria Esmont, a été accusée par les
services de sécurité russe « de travailler pour les services secrets
occidentaux ». La journaliste a fait état de « la destruction d'une colonne
de blindés russes qui s'était avancée dans la capitale fantôme tchétchène
». Comble de « provocation », elle a ensuite entrepris le comptage des
cadavres de soldats russes, qu'elle a estimé à une centaine. Moscou, qui
cherche tant à dissimuler ses pertes militaires aux yeux des siens comme à
ceux du monde, n'a pas apprécié ce soucis de vérité, à quelques jours des
élections. Son accusation est « une diffamation qui prêterait plutôt à
sourire si elle n'était pas lourde de menaces », estime Jacques Amalric.
Car, explique ce dernier, « les services de sécurité russes (FSB) détestent
autant que leur ancêtre soviétique, le KGB, les journalistes occidentaux.
Surtout lorsque ces derniers ont le courage de se rendre en Tchétchénie
pour rendre compte des crimes qui s'y commettent ».
Jean-Pierre Thibaudat, correspondant permanent du quotidien à Moscou,
témoigne de cette volonté de cacher la vérité. D'une conférence de presse à
l'autre, « Le mensonge continue ». « Si les autorités russes lancent si
souvent à la figure des médias occidentaux les notions de mensonge,
manipulation et désinformation, c'est que ces mots sont devenus en Russie
raison d'état. Et l'exemple vient d'en haut. Il y a quelques temps, on a vu
le premier ministre Poutine aller fleurir la tombe d'Andropov, l'un de ses
prédécesseurs à la tête du KGB (devenu FSB). Cette semaine, on a eut droit
au spectacle ahurissant de ce même Poutine fleurissant la tombe d'Andreï
Sakharov, au dixième anniversaire de la mort du dissident ». Et de conclure
: « Un homme qui fleurit ces deux tombes là, ment au moins une fois. Et il
ment au monde entier ».


> Adelaide ROBAULT

Le Petit Bouquet (C) 1999