AU CLERGÉ ET AU PEUPLE DE
LA VILLE DE CONSTANTINOPLE


 Si ce qui s'est passé dernièrement à Éphèse nous a vivement affligé, car les lois de la justice et celles de la religion ont été foulées aux pieds, d'un autre côté, votre piété sincère et vos acclamations contre l'injuste sentence nous ont fait éprouver une grande joie. Bons fils, vous conserverez toujours votre amour à votre excellent père, et vous ne souffrirez pas qu'on porte le moindre changement aux saintes doctrines qu'il vous a enseignées. Sans doute, comme le saint Esprit vous l'a révélé, ils sont souillés par l'hérésie de Manichée, ces hommes qui nient la vérité de la Nature humaine de notre Seigneur Jésus Christ et attribuent à un vain fantôme toutes ses actions corporelles. De peur que vous ne tombiez dans cette erreur, nous vous avons déjà fait remettre une lettre par nos enfants Épiphane et Denys, notaires de l'Église romaine, et, d'après votre désir, nous vous écrivons de nouveau. Vous ne douterez point ainsi que nous ne veillions sur vous avec une sollicitude toute paternelle et que nous n'employions tous les moyens possibles pour faire cesser, avec le secours de la Miséricorde de Dieu, le scandale que des ignorants et des insensés ont fait naître. Qu'aucun de ceux qui ont pu se laisser convaincre par de pareilles impiétés n'ose se glorifier de son rang dans l'Église  : car si l'ignorance est à peine tolérable chez un laïc, quel juste châtiment ne mérite-t-elle pas chez des hommes chargés de conduire les autres, et surtout quand ils défendent des opinions dangereuses et les font adopter par les esprits inconstants, à l'aide des caresses et des menaces  ? Ils méprisent les saints membres du Corps de Jésus Christ, mais la liberté catholique ne subira pas leur joug. Ils manquent de la Grâce divine et ils doivent être privés du sacrement du salut, ces hommes qui nient la Nature humaine de Jésus Christ et contestent ainsi les vérités de l'évangile et rejettent le Symbole. Ils ne comprennent pas que cette impiété les conduit à détruire la réalité de la Passion et de la Résurrection ; car comment auraient pu s'accomplir ces mystères, si notre Sauveur n'a pas la chair d'un homme  ? Dans quelles ténèbres d'ignorance sont-ils plongés, dans quelle honteuse paresse ont-ils vécu pour ne pas avoir appris, soit par des discours, soit par des lectures, ce qui dans l'Église de Dieu retentit de tous côtés, cette vérité du Corps et du Sang de Jésus Christ, que les enfants eux-mêmes confessent à la communion, distribution mystique de la nourriture spirituelle où notre chair, après avoir reçu cette nourriture céleste, s'unit à la Chair de Celui qui S'est incarné. Aussi, pour vous confirmer dans votre charité qui s'est opposée avec une foi digne d'éloges aux ennemis de la vérité, je vous dirai comme l'Apôtre  : " C'est pourquoi moi aussi, ayant entendu parler de votre foi au Seigneur Jésus et de votre charité pour tous les saints, je ne cesse de rendre grâces pour vous, faisant mention de vous dans mes prières, afin que le Dieu de notre Seigneur Jésus Christ, le Père de gloire, vous donne un esprit de sagesse et de révélation, dans sa connaissance, et qu'Il illumine les yeux de votre coeur, pour que vous sachiez quelle est l'espérance qui s'attache à son Appel, quelle est la richesse de la gloire de son Héritage qu'Il réserve aux saints, et quelle est envers nous qui croyons l'infinie grandeur de sa Puissance, se manifestant avec efficacité par la vertu de sa Force. Il l'a déployée en Christ, en Le ressuscitant des morts, et en Le faisant asseoir à sa Droite dans les lieux célestes, au-dessus de toute Domination, de toute Autorité, de toute Puissance, de toute dignité, et de tout nom qui se peut nommer, non seulement dans le siècle présent, mais encore dans le siècle à venir. Il a tout mis sous ses Pieds, et Il L'a donné pour Chef suprême à l'Église, qui est son Corps, la Plénitude de Celui qui remplit tout en tous ". (Ep 1,15&endash;23) Qu'ils nous disent, les adversaires de la vérité, quelle nature le Père tout-puissant a placée au-dessus de toutes choses, car " toutes choses ont été faites par Lui, et rien de ce qui a été fait n'a été fait sans Lui " (Jn 1,3), Il est nécessairement supérieur à toutes les créatures qui, de tout temps, ont été soumises à Celui qui les a créées. Éternel, Il est de la Nature du Père, Il est semblable au Père, Il ne forme qu'un avec Lui. Si donc sa Puissance, sa Dignité, sa Gloire ont été augmentées, c'est qu'Il possédait une nature inférieure qui n'avait ni la puissance, ni la grandeur, ni la gloire de la Nature divine. C'est Arius qui a inspiré son impiété à ces hommes qui nient la nature humaine dans le Verbe, refusent avec mépris de croire que l'humilité de notre nature ait été jointe à la Majesté de Dieu, prétendant que le Corps du Sauveur était un vain fantôme, et attribuent plutôt à sa Divinité qu'à sa Chair toutes ses Actions et toutes ses Souffrances corporelles. Il est bien insensé celui qui ose défendre une pareille doctrine, car elle détruit la foi et la vérité du sacrement ; d'après elle, ou la Divinité a souffert, ou bien il n'y a rien eu de réel dans le mystère de la Passion. Le fils de Dieu impassible est de toute éternité de l'essence immuable de la Trinité avec le Père et le saint Esprit. Quand les temps furent venus, temps fixés par l'éternelle Sagesse et révélés au monde par les prophètes, Il S'est fait homme sans perdre sa Substance divine, mais en revêtant notre nature. Il " est venu chercher et sauver ce qui était perdu " (Lc 19,10) ; Il vint parmi nous, non comme une apparition passagère, mais bien sous des formes visibles et palpables, en prenant la chair et l'âme d'un homme dans le sein de la Vierge, sa mère ; Dieu, Il S'unit à la forme de l'esclave, à la nature de la chair du péché  : et l'Homme n'a pas altéré la Divinité, et le Dieu a glorifié l'humanité.

La faute de nos premiers parents, dont le péché originel a été transmis à toute leur postérité, ne pouvait être effacée ; et nous ne pouvions échapper à la damnation éternelle, si le Verbe ne se faisait Chair et n'habitait parmi nous dans cette même nature, cette même chair et ce même sang que les nôtres. C'est ainsi que l'Apôtre a dit dans son Épître aux Romains  : " Ainsi donc, comme par une seule offense la condamnation a atteint tous les hommes, de même par un seul acte de justice la justification qui donne la vie s'étend à tous les hommes. Car, comme par la désobéissance d'un seul homme beaucoup ont été rendus pécheurs, de même par l'obéissance d'un seul beaucoup seront rendus justes " (Rm 5,18&endash;19). Et dans une autre épître  : " Car, puisque la mort est venue par un homme, c'est aussi par un Homme qu'est venue la résurrection des morts. Et comme tous meurent en Adam, de même aussi tous revivront en Christ " (1 Co 21&endash;22). Ils sont étrangers à tout sacrement de la religion chrétienne ceux qui ne confessent pas la vérité de la nature humaine prise par le fils unique de Dieu dans le sein de la Vierge de la descendance de David ; ils ne connaissent ni l'Époux ni l'Épouse ; ils ne peuvent assister au banquet nuptial. La Chair de Jésus Christ est la Robe du Verbe ; celui qui confesse le Christ en est revêtu. Mais celui qui rougit de ce vêtement et le rejette comme indigne, quoiqu'il s'approche de la table royale et prenne part au banquet sacré, convive parjure, il n'échappera pas à la justice du Roi, comme le Seigneur l'a prédit Lui-même ; il sera chassé, ses pieds et ses mains seront chargés de fers et il sera lancé dans les ténèbres extérieures où il y aura des sanglots et des grincements de dents. Aussi quiconque ne confesse pas la Nature humaine de Jésus Christ, est jugé indigne du mystère de l'Incarnation, et ne jouira des bienfaits du sacrement dont l'Apôtre parle en ces termes  : " Parce que nous sommes membres de son Corps. C'est pourquoi l'homme quittera son père et sa mère, et s'attachera à sa femme, et les deux deviendront une seule chair " ; et il a ajouté pour expliquer ces paroles  : " Ce mystère est grand; je dis cela par rapport à Christ et à l'Église ". (Ep 5,30&endash;32) Dès le commencement de la race humaine, l'Avènement du Christ dans la chair a été annoncé à tous les hommes. Ils seront deux dans la même chair, a-t-il été dit ; et en vérité, ils sont deux dans la même chair  : Dieu et l'homme, le Christ et l'Église qui est née de la chair de l'Époux ; quand, par le sang et l'eau qui coulaient de son Côté sur la croix, elle a reçu le sacrement de la rédemption et de la régénération. Et tel est le nouvel état de la créature qui, par l'eau du baptême, n'est point privée de sa chair, mais purifiée de la tache originelle ; de telle sorte que son corps devient celui de Jésus Christ, car le Corps du Christ est celui d'un homme. Nous ne devons donc pas dire que le Christ est seulement Dieu, comme les manichéens, ou comme l'hérétique Photinus, qu'Il est seulement homme ; nous ne devons pas croire qu'il Lui manque rien de la nature humaine, soit l'âme, soit la raison, soit la chair ; proposition impie développée par les apollinaristes, qui prétendaient que le Verbe n'avaient pas pris sa chair dans le sein d'une vierge, mais qu'Il était Lui-même changé en chair. Nous ne devons pas admettre davantage que la bienheureuse vierge Marie ait conçu un homme sans la Divinité, homme qui, une fois créé du saint Esprit, ait été habité par le Verbe ensuite, erreur qui a été justement condamnée dans la personne de Nestorius ; mais telle doit être notre croyance  : Le Christ, fils de Dieu, Dieu véritable, né de Dieu le Père, de toute éternité, est aussi un homme véritable, né d'une femme à une époque déterminée ; son Humanité, par laquelle Il est inférieur au Père, n'a porté aucune altération à sa Nature divine, par laquelle Il est égal à Dieu. Il n'y a qu'un seul Christ en deux natures ; Il l'a prouvé Lui-même quand Il a dit comme Dieu  : " Moi et le Père nous sommes un " (Jn 10,30) ; et comme Homme  : " Le Père est plus grand que Moi " (Jn 14,28). Cette profession de foi est la seule qui soit aux coeurs des véritables chrétiens ; c'est la seule qui soit bonne et impérissable ; vous la défendrez avec zèle et amour ; vous y persévérerez ; vous la confesserez avec constance. Et, comme après la Miséricorde de Dieu il faut aussi mériter les bonnes grâces de vos princes chrétiens, demandez avec sagesse et humilité au très clément empereur qu'il daigne ordonner la convocation d'un concile général, comme je l'en ai déjà prié, afin de retremper le courage et l'ardeur des bons catholiques et de purifier les hérétiques qui consentiront à rentrer dans la bonne voie.

 Fait aux ides d'octobre, sous le consulat des très illustres Astère et Protogène. 


   IKTHYS