A L'EMPEREUR MARCIEN


 Toute l'Église a tressailli de joie lorsque, par un bienfait de la Miséricorde de Dieu, l'hérésie la plus pernicieuse a été détruite par le zèle saint et glorieux de votre Clémence ; vous avez consacré votre puissance au service de Dieu ; vous avez aidé les prêtres du Seigneur de toute votre foi et de tout votre pouvoir à parvenir plus promptement au but de leurs travaux. Quoique, en vertu du saint Esprit qui les inspire, ce soit le devoir des serviteurs du Siège apostolique de défendre en toute circonstance les vérités et la liberté de l'évangile, cependant cette fois, c'est par la seule Grâce de Dieu que nous avons triomphé ; et dans cette victoire de la vérité Dieu a permis que les seuls auteurs de l'hérésie périssent et que l'Église recouvrât son unité. Cette guerre que l'ennemi de notre paix avait suscitée s'est donc terminée d'une manière si heureuse que, le Christ triomphant, les mêmes lauriers couronnèrent tous les évêques ; et, la lumière de la vérité brillant avec éclat, les ténèbres de l'erreur et ses partisans furent seuls chassés au loin.

Sur ce qui concerne nos croyances touchant la résurrection de notre Seigneur, il fut très avantageux, pour jeter les bases de la foi, que certains apôtres aient douté de la réalité de la Chair de Jésus Christ ; car, en se convainquant eux-mêmes par les sens de la vue et du toucher, lorsqu'ils examinèrent la marque des clous et la cicatrice du coup de lance, ils mirent fin aux doutes de tous ceux qui pourraient hésiter à croire ; il en est de même aujourd'hui, lorsque l'infidélité de quelques-uns est confondue ; tous ceux qui chancelaient dans leurs croyances s'y trouvent confirmés, et l'aveuglement des uns sert à éclairer les autres. Il est digne et juste que votre Clémence se glorifie de ses travaux ; car elle a pourvu avec sagesse à ce que les embûches du démon ne puissent nuire aux Églises d'Orient, et elle a compris avec fidélité qu'on ne saurait jamais offrir d'holocauste plus agréable à Dieu qu'en réunissant les peuples, les évêques et les rois, pour confesser tous de la même manière la Médiateur de Dieu et des hommes, l'Homme Jésus Christ.

Après cette heureuse pacification de l'Église universelle qui nécessita la réunion d'un si grand nombre d'évêques, je m'étonne et je me plains de ce que le souffle de l'ambition vient encore troubler cette paix que Dieu nous a accordée. Quoique mon frère Anatolius ait compris qu'il était du dernier intérêt pour lui d'abandonner les erreurs de ceux qui l'avaient ordonné et de revenir à la foi catholique par une correction salutaire, il eût dû se garder néanmoins de troubler par sa cupidité cette Église qu'il sait ne devoir qu'à notre bienveillance. Il devrait se rappeler que, par égard pour votre demande et rassuré par votre piété, quand l'illégalité de sa consécration le faisait chanceler sur son siège, j'ai plutôt écouté ma bonté que la justice, désireux que j'étais d'apaiser tous les troubles que le démon avait suscités, même par des moyens peu licites. Le souvenir de ces faits devrait lui inspirer plus de modestie que d'orgueil. Et quand ses vertus l'auraient porté à l'épiscopat, quand même il aurait été consacré légalement après un mûr examen et d'une manière solennelle, il n'en serait pas moins criminel en violant les anciennes règles, les canons des pères et les décrets du saint Esprit. Je vous le dis à vous, chrétien vraiment pieux, à vous, prince vraiment orthodoxe, l'évêque Anatolius perd ses propres mérites en voulant augmenter ses droits d'une manière injuste.

Que la cité de Constantinople soit glorieuse comme nous le désirons par la protection de Dieu ; qu'elle jouisse longtemps, sous le règne de votre Clémence, des privilèges d'une ville impériale. Mais il ne faut pas confondre les choses divines et les choses humaines ; aucune construction ne sera éternelle et stable, à l'exception de cette seule pierre que le Seigneur a posée Lui-même pour être le fondement de son Église. Celui qui convoite le bien d'autrui, perd son propre bien. Qu'il suffise à Anatolius d'avoir obtenu l'épiscopat dans une si grande ville, à l'aide des recommandations de votre Majesté et de mon approbation. Qu'il ne dédaigne point la Cité Impériale dont il ne peut faire un siège apostolique, et qu'il n'espère point non plus s'élever jamais sur les ruines des autres. Les décrets des saints pères ont établi les privilèges des Églises, et les canons du concile de Nicée les ont déterminés ; l'ambition d'aucun homme ne peut y rien retrancher, y rien ajouter. Avec l'Aide du Christ je maintiendrai fidèlement, dans leur intégrité, ces règles saintes de nos pères qui furent faites, pour la discipline de toute l'Église, dans le concile de Nicée par l'inspiration du saint Esprit ; c'est à moi qu'a été confié le soin de les faire observer, et je me montrerai bon et fidèle serviteur ; car si je prêtais les mains à ce qu'on les violât, ce qui n'arrivera jamais, si la volonté d'un seul de mes frères avait plus de poids auprès de moi que l'utilité générale de toute l'Église, je me rendrais coupable d'un grand crime.

Comme je sais que votre glorieuse Clémence aime à veiller sur la paix des Églises et qu'elle donne une pieuse approbation à tout ce qui est convenable au maintien de l'ordre, je la prie et la supplie de se garder de prêter le moindre assentiment à d'injustes tentatives contre la paix des fidèles et l'unité catholique, et de réprimer d'une manière salutaire l'ambition de mon frère Anatolius, qui, s'il y persiste, pourra lui devenir préjudiciable. Il ne faut pas que, dans son ambition hostile à votre gloire et à l'Église, il veuille s'élever au-dessus de ses mérites ; il lui appartient de briller par toutes les vertus qu'il pourra réunir ; mais certes, il n'en possédera aucune si, au lieu de se gonfler d'orgueil, il ne s'empresse de faire place dans son coeur à la charité. Il n'aurait jamais dû concevoir cet injuste désir ; et quand mes frères et collègues, qui me remplaçaient au concile, s'opposèrent à ses prétentions illicites, il eût agi convenablement en se désistant de ses projets devant leurs remontrances salutaires. Les actes de votre piété et les lettres d'Anatolius lui-même prouvent que les légats du Siège apostolique lui ont opposé, comme il était nécessaire, de justes réclamations ; sa présomption, qui ne s'arrêta pas même après avoir été réprimandée, est donc inexcusable.

Déployez contre toute ambition condamnable cette vigueur que vous avez montrée en terrassant l'hérésie par la Grâce de Dieu ; et, ce qui convient à votre piété et à votre gloire, ce qui est digne de votre justice de chrétien et d'empereur, contraignez cet évêque à obéir aux pères et à respecter la paix de l'Église, et défendez-lui de se faire un droit de ce que, dans mon zèle à cicatriser les plaies de l'Église, et dans mon amour pour la paix, j'ai bien voulu ne point annuler l'ordination sans exemple de l'évêque d'Antioche qu'il avait faite au mépris des canons. Qu'il s'abstienne donc de violer les lois ecclésiastiques ; qu'il réprime les excès de son ambition, de peur qu'il ne soit retranché de l'Église universelle dont il veut troubler la paix. Cependant, j'aimerais mieux le chérir à cause de ses vertus que de le voir persévérer dans ses pensées d'orgueil qui pourraient le séparer de nous. Mon frère et collègue Lucien, qui m'a apporté les lettres de votre Clémence, avec mon fils, le diacre Basile, a accompli la mission dont vous l'avez chargé, avec le plus grand zèle, et, s'il n'a point eu de succès, on peut dire qu'il n'a point manqué à la cause, mais c'est plutôt la cause qui lui a manqué.

Fait le onzième jour des calendes de juin, sous le consulat du très illustre Herculanus.


   IKTHYS