LES  DROITS  DE  L'HOMME,  LA SEXUALITE,
LA FEMME ET  L'EGLISE  CATHOLIQUE

La violation de l'un des droits fondamentaux de l'homme par l'institution ecclésiastique de l'Eglise romaine.
Sa misogynie. Son anti-hédonisme. Le sacrilège des évêques.


Le titre te surprend, ami internaute ? Il t'intrigue ? Peut-être te heurte-t-il ? Néanmoins je t'invite à prendre connaissance de ce site, si , comme je l'espère, tu places la vérité au rang des valeurs essentielles.

Premier prêtre catholique dont le mariage religieux a été relaté dans la presse internationale en 1964, je suis l'auteur de ces pages destinées à éclairer l'opinion publique, via Internet, sur un aspect inconnu de l'Eglise romaine dont personne ne parle, surtout pas les média. Après plus de trente cinq années de silence, je parle pour la seconde fois.

Après lecture, tu pourras vérifier que le rejet de fausses croyances profondément ancrées dans les esprits est beaucoup plus difficile que la désintégration de l'atome.


Dans la première partie,
tu découvriras qui est Maurice Weitlauff
- L'événement qui a secoué l'Eglise.


Dans la deuxième,
tu apprendras de théologiens et biblistes renommés que Jésus-Christ n'a pas voulu fonder une Eglise, surtout pas une Eglise hiérarchisée.


Dans la troisième,
tu  sauras pour quelle raison la loi ecclésiastique interdisant le mariage aux prêtres est incontestablement une violation de l'un des droits fondamentaux de l'homme.


Dans la quatrième,
tu pourras prendre connaissance des méthodes de l'institution ecclésiastique pour asservir les consciences.


Le site a été realisé avec le concours d'Eric ESNAULT pour la présentation. Qu'il en soit vivement remercié.


L'auteur et les signataires souhaitent trouver des internautes qui accepteraient de traduire bénévolement le texte en différentes langues, en particulier en Anglais, Portugais, et Espagnol.


Lexique :

Pour atteindre le lexique, cliquer sur les mots soulignés dans les textes.

 

 


Première PARTIE



L'auteur du site,
Maurice Weitlauff  

Je suis né le 21 Février 1920, au Vésinet (Banlieue Ouest de Paris).où mes parents se fixèrent après la guerre au cours de laquelle mon père avait été gravement blessé. J'avais un oncle qui était curé d'une des deux paroisses de cette commune. 

Mon enfance heureuse se déroula dans un milieu catholique très pratiquant. Ma mère, très pieuse, souhaitait ardemment que je devinsse prêtre, comme mon oncle. C'est en toute innocence qu'elle m'inocula le virus sacerdotal, en me répétant sans cesse "Il n'y a rien de plus beau qu'un prêtre". Elle m'éleva aussi dans le culte de la vérité que je continue à tenir pour une valeur morale essentielle. 

  

Mon entrée au séminaire 

Aussi, à l'âge de douze ans, toute ma famille trouva normal de me faire entrer au petit séminaire de Versailles. C'est dans cet établissement que commença le lavage de cerveau. On nous y enseignait que les deux plus grandes vertus à pratiquer étaient l'obéissance et la pureté, avec une insistance particulière sur cette dernière. Au début je ne comprenais pas la signification de ce terme imprécis dont je n'avais jamais entendu parler.

  

Voici une anecdote destinée à illustrer mes propos sur l'importance que les éducateurs, tous prêtres, attachaient à cette vertu. Quand j'étais en sixième, j'entendis, un jour, le surveillant d'étude intimer l'ordre à tous les élèves possédant le dictionnaire Larousse de le poser devant eux sur leur pupitre. Il passa ensuite entre les rangées et se mit à arracher rageusement les pages en couleur où étaient reproduits des tableaux de nus, comme les Trois Grâces. Sur le moment je ne compris pas ce comportement qui m'indigna. Plus tard en réfléchissant à cet incident, je me suis demandé si ce prêtre surnommé "bébé rose" n'était pas tourmenté par le démon de la chair, pour employer le langage ecclésiastique. Etait-ce pour lui un mode de refoulement de ses pulsions sexuelles ? Au sortir du petit séminaire, tous les élèves vivaient avec la hantise de commettre un péché contre la chasteté, considéré comme le plus grave de tous par nos éducateurs. Ceux-ci avaient réussi à fausser nos consciences et à nous persuader que le renoncement au sacerdoce attirerait sur nos têtes le courroux divin. Aujourd'hui, les mentalités ont beaucoup changé. Mais à cette époque d'avant guerre, ces méthodes d'assujettissement des esprits portaient leurs fruits. Elles étaient semblables aux méthodes actuelles des sectes. 

  

Le grand séminaire. 

Aussi, entrai-je au grand séminaire avec un naïf enthousiasme pour y faire mes études supérieures de philosophie, de théologie, d'histoire "expurgée" de l'Eglise et autres matières ecclésiastiques. Le lavage de cerveau se poursuivit mais, cette fois, dans une autre direction. Réalisé avec une habileté éprouvée , il ne pouvait qu'être efficace sur des jeunes esprits enclins à faire confiance aux représentants d'une autorité parlant au nom de Dieu. 

Le principal soucis des professeurs, tous prêtres évidemment, fut de  mettre les candidats au sacerdoce en garde contre "la perversité naturelle de la femme", présentée comme le suprême danger pour le prêtre. J'entends encore le supérieur nous dire "si, à la fin de sa vie, un prêtre me déclarait qu'il n'a jamais désiré une femme, je me jetterais à ses pieds et je les baiserais".Toute la formation tendait à faire de nous des misogynes imprégnés de l'idée que le célibat conférait une supériorité morale sur les gens mariés. 

  

Mon ordination-première rencontre. 

Je fus ordonné prêtre en 1944 et nommé successivement à Houilles, Meudon et Maisons-Laffitte. C'est dans cette dernière paroisse que je fis la connaissance de ma future épouse Viviane. Dès mon arrivée elle vint me demander de rendre visite à sa mère atteinte d'une grave maladie qui devait l'emporter quelques mois plus tard. J'eus alors l'occasion de la rencontrer assez souvent lorsque ma visite coïncidait avec son jour de repos. Ainsi j'appris d'elle sa conversion à l'âge de dix huit ans au grand étonnement de sa famille marquée par un lointain anticléricalisme. 

Je ne saurais préciser l'année où une pleurésie me cloua au lit pendant quarante jours. Pour parfaire ma convalescence le médecin préconisa un séjour en montagne. La supérieure de la communauté religieuse où j'étais soigné connaissait Viviane depuis longtemps. Elle lui fit part de sa préoccupation de ne pouvoir faire plus. Or cette année-là, Viviane avait été invitée par des amis à passer les vacances dans leur chalet de montagne. Elle plaida auprès d'eux en ma faveur et prit les frais supplémentaires à sa charge.   

  

Une promenade fatidique. 

Un après-midi, tandis que ses amis avaient dû se rendre en ville, nous décidâmes, Viviane et moi, de faire une promenade jusqu'à une petite chapelle. J'étais encore vite fatigué. Aussi nous nous assîmes   au bord d'un torrent pour nous reposer. et nous écoutâmes le ruissellement de l'eau coulant entre les pierres. Nous étions silencieux. Soudain nos regards se rencontrèrent. Que de sentiments peuvent passer dans un regard ! Nous comprîmes que l'amour avait envahi nos coeurs. 

  

Quelle solution ? 

J'étais bouleversé par ce sentiment inconnu et en même temps effrayé  par cette situation nouvelle qui faisait problème. A la réflexion je ne voyais que trois solutions ; ou refouler ce sentiment par soumission à une loi qui, déjà, m'apparaissait aberrante.; ou rompre avec l'Eglise que j'identifiais, à cette époque, avec l'institution ecclésiastique ; ou nous installer dans un amour clandestin qui aurait constitué, pour chacun de nous, une monstrueuse hypocrisie. Je ne parvenais pas à prendre une décision car aucune solution me paraissait satisfaisante, surtout celle de me tenir éloigné de Viviane. 

  

Une idée insensée

Tandis que je cherchais le moyen de sortir de cette impasse, une idée germa dans mon esprit et peu à peu s'imposa avec force. Pourquoi ne pas demander à Rome l'autorisation de me marier sachant que Viviane était consentante ? Au début, cette idée m'avait paru insensée. A ma connaissance, Rome n'avait jamais accordé la dispense du célibat à un prêtre pour lui permettre de se marier. Néanmoins, je ne parvenais pas à me convaincre de cette impossibilité. Pourquoi ne pas tenter ? J'avais acquis la conviction que mon engagement au célibat était entaché de nullité par défaut de liberté, comme c'est le cas de tous les prêtres, même de ceux qui proclament s'être engagés librement. Ils est toujours loisible à ces derniers d'entretenir l'illusion d'un célibat librement choisi sous la contrainte de la loi. Contrainte et liberté n'ont jamais réussi à faire bon ménage.  

  

Le mariage religieux.

En 1962, j'entamai les premières démarches auprès de mon évêque. Je raconte dans la quatrième partie les obstacles que j'ai rencontrés. 

Enfin, en 1964, j'obtins de Paul VI la dispense permettant le mariage qui fut célébré le 16 Mai à l'évêché de Versailles dans le plus grand secret, sans témoin, contrairement aux règles fixées par le concile de Trente, au seizième siècle. (voire 4ème partie pour plus de précisions) 

  

L'événement qui secoua le monde catholique. 

Passant outre à l'interdiction de parler à quiconque de mon mariage je demandai au journal Le Monde de révéler le mariage religieux d'un prêtre du diocèse de Versailles. La nouvelle parut dans le numéro du 5 Septembre, laissant la hiérarchie stupéfaite de mon initiative prise en parfait accord avec ma  femme. Cette révélation sensationnelle fut répercutée par la presse internationale. Elle avait pour but de faire une brèche dans le mur de silence érigé par l'institution cléricale sur le problème du célibat obligatoire dont je prouve l'immoralité dans la troisième partie. Elle provoqua des interrogations tant chez les fidèles que chez les prêtres. Les premiers prirent conscience que le célibat n'est pas exigé par la prêtrise, les seconds, en très grand nombre, se précipitèrent vers la porte entrouverte. Ce fut le commencement d'une hémorragie qui, depuis, n'a jamais cessé. 

  

Témoignages dans le livre "les prêtres mariés" 

Nous commençâmes, Viviane et moi, à recevoir des lettres venant des quatre coins du monde. Dans la plupart, leurs auteurs, prêtres, religieux et aussi femmes, nous félicitèrent et nous remercièrent chaleureusement d'avoir parlé afin de pouvoir à leur tour se libérer des chaînes qui les tenaient captifs d'une loi inepte. Dans les autres, il nous était révélé de grandes souffrances endurées dans le silence en raison de l'incompréhension et de la stupidité de leur milieu familial ou social.  

Forts de ces témoignages, nous avons fait le récit de ce que nous avions nous-mêmes vécu dans un livre "Les prêtres mariés", paru en 1969, écrit avec la collaboration d'un journaliste. (Edition spéciale dirigée par Jacques Lanzmann). Nous y dénoncions l'hypocrisie et les mensonges de l'institution cléricale ainsi que ses méthodes inquisitoriales pour briser les résistances et obtenir une totale soumission. Le livre fut traduit en italien et en portugais à destination du Brésil, pays où l'on trouve encore le plus grand nombre de prêtres en situation irrégulière au regard de la loi ecclésiastique. 

  

Une découverte capitale. 

Nous avions fait une trouée. Nous pensions que nous n'avions plus rien à dire. 

Mais, en 1990, en lisant l'encyclique RERUM NOVARUM du pape Léon XIII, publiée le 15 Mai I890, nous fîmes une découverte qui nous laissa stupéfaits. Elle contient, en effet, la formulation d'un principe d'ordre moral qui constitue implicitement la condamnation de la loi du célibat. Je souligne le terme loi, car seule la loi est mise en cause et non le célibat. Il est conseillé aux lecteurs de garder en mémoire ce principe dont il sera procédé à l'analyse dans la troisième partie. Il est d'une importance capitale. On y lit: 

  

"Aucune loi humaine ne saurait enlever d'aucune façon le droit naturel et primordial de tout homme au mariage...(droit) établi par Dieu dès l'origine."
 
Genèse I - 28

  

Nous détenions la preuve irréfutable que la loi humaine du célibat, radicalement contraire au droit naturel tel que l'Eglise le conçoit, est   immorale et constitue une violation indéniable de l'un des droits fondamentaux de l'homme.  

 

Remarque :Même si la deuxième partie peut paraître moins importante que la troisième, il est vivement recommandé d'en prendre connaissance afin de bien comprendre la formule "institution cléricale" (résurgence de l'impérialisme romain)  à ne pas confondre avec "Eglise"

 

   


Deuxième PARTIE : L'institution Cléricale   



Jésus-Christ a-t-il voulu fonder une Eglise, surtout une Eglise hiérarchisée ? 

La réponse est d'une importance capitale. Elle permettra de comprendre que la loi du célibat ait pu être établie par une institution humaine qui, très tôt, a revendiqué une origine divine afin de justifier son autorité suprême et son pouvoir absolu. Il lui importait de se situer au dessus des hommes et de leurs lois, au dessus même de la loi naturelle, pour imposer les siennes. Bien sûr, il lui est loisible de se déclarer de droit divin pour asseoir son autorité au regard des fidèles toujours enclins à accorder leur confiance à une société religieuse se réclamant de Jésus-Christ. Mais Celui-ci est-il son fondateur ? Des voix autorisées ne craignent pas d'affirmer que l'institution ecclésiastique est une création historique et une résurgence de l'impérialisme romain.   

Voyons ce que dit le bibliste, Hébert Haag, de renommée mondiale, ancien professeur d'exégèse biblique à l'Université de Tubingen. En 1998, à l'occasion de l'attribution du "Prix de la liberté au sein de l'Eglise" à Rudolf Schermann, curé du Burgenland, et à son équipe autrichienne, le professeur a prononçé une allocution dont la teneur bouscule les idées reçues. Il déclarait:   

"Il y a longtemps que les théologiens ont admis que Jésus ne voulait pas fonder une Eglise ; les dogmaticiens les plus traditionalistes , eux-mêmes, sont de cet avis. Toutefois, si Jésus avait souhaité une Eglise, il ne l'aurait certainement pas voulue hiérarchisée, c'est à dire une Eglise à deux classes, l'une réservée à des privilégiés possédant tous les pouvoirs, et l'autre regroupant de simples exécutants. Dans l'état actuel des choses, la première de ces classes représente moins de 1% et la seconde plus de 99% ; cette dernière est composée de ceux qui n'ont que le droit de se taire"   

Pour quel motif a-t-il fait cette déclaration surprenante et inattendue ? Il en a donné la raison au début de son allocution. Je le cite :"Au vu des difficultés sans nombre qui assaillent l'Eglise catholique et l'accablent en ce moment, nous voudrions poser des jalons qui pourraient aider les gens à retrouver un modèle d'Eglise plus en accord avec la lettre et l'esprit de l'Evangile"   

De crainte de déformer sa pensée j'estime préférable de reproduire de larges extraits de son allocution que je considére très instructive.   

"Pendant longtemps on a cru et on a enseigné que l'Eglise a commencé avec Jésus-Christ. C'est ce que j'ai moi-même appris au cours de mes études de théologie, et de nombreux étudiants après moi. Jésus aurait appelé des apôtres, et ces apôtres, sentant leur fin prochaine, auraient désigné des successeurs qui, plus tard furent nommés évêques. C'est d'ailleurs ce que le dernier concile nous enseigne :< Jésus-Christ, Pasteur éternel, a édifié la Sainte Eglise en envoyant les apôtres... et a voulu que leurs successeurs, c'est-à-dire les évêques fussent, dans son Eglise, pasteurs jusqu'à la fin des siècles> (Lumen gentium 18). Ainsi on pouvait faire remonter la charge des évêques indirectement jusqu'à Jésus. Celui-ci avait appelé les apôtres et ces derniers ont nommé des évêques. En réalité, le dernier apôtre avait depuis longtemps fermé les yeux lorsque les premiers évêques ont fait leur apparition. Le rôle des apôtres était tellement exceptionnel que l'on ne peut parler de successeurs à leur sujet."  

Une construction historique :   

"Les théologiens d'aujourd'hui sont au contraire unanimes à penser qu'aucune fonction d'Eglise ne peut se légitimer par référence à Jésus. Les structures actuelles de l'Eglise sont le résultat de processus historiques sur lesquels des influences politiques ont joué et les modèles démocratiques des débuts n'ont pas pu subsister. La théologienne américaine bien connue, Rosemary Radford Ruether, n'a-elle pas écrit, il y a déjà plus de dix ans, dans le journal des pères jésuites suisses :  

"Le gouvernement de l'Eglise est une construction historique, influençée par des systèmes politiques existants, et ne peut pas être considéré comme voulu par Dieu. En tant que théologiens, nous devrions du moins avoir la possibilité de nous demander si une organisation démocratique ne serait pas plus adaptée à une communauté de croyants qu'un modèle de gouvernement copié sur l'impérialisme romain, la féodalité moyenâgeuse ou l'absolutisme de la renaissance"( Orientierung;N° 50, 1986, p. 141 )  

Tous les facteurs historiques évoqués ici par la théologienne, et qui s'appliquent à notre Eglise, proviennent <de ce monde>.Or, le Royaume de Jésus <n'est pas de ce monde> Jean  18,36. Les fonctions d'évêques et de prêtres initiés par l'Eglise un siècle et demi environ après Jésus sont devenues une institution au Vème siècle... ce qui veut dire que l'Eglise doit pouvoir vérifier si, de nos jours, elles servent encore le bien commun ou si au contraire on devrait les changer ou même les abandonner. On pourrait, par exemple, supprimer la fonction de pape en la remplaçant par une commission collégiale. On pourrait supprimer la fonction d'évêque si celle-ci s'avérait être devenue un obstacle au message de Jésus. On devrait même le faire si l'Evangile nous révélait que Jésus ne voulait pas voir se perpétuer l'organisation sacerdotale juive." 

Le fonctionnarisme dans l'Eglise cléricale 

"Si bien que nous en venons à une compréhension des fonctions dans l'Eglise tout à fait opposée à la façon dont elles sont considérées au sein de l'Institution. La fonction est considérée comme ayant en soi des prérogatives. Elle existe et le fonctionnaire possède tel ou tel pouvoir ; il y a des choses qu'il a le droit de faire et d'autres qui lui sont interdites. Et lui seul peut prendre certaines décisions. Quant à la communauté, elle doit se soumettre à ces décisions et à ces pleins pouvoirs. En réalité le processus devrait se dérouler de façon inverse et le modèle hiérarchie-fidèles fonctionner tout autrement...  La communauté n'a pas à se régler sur les fonctionnaires mais les fonctionnaires sur la communauté. C'est pourquoi il serait bon que l'on supprime autant que possible les fonctions actuelles et que l'on en crée de nouvelles."... 

L'église cléricale à deux classes. 

"C'est ainsi que l'on arriverait à porter remède à l'infortunée séparation entre clergé et laïcat au sein de l'Eglise, entre personnes ordonnées et non ordonnées. Les origines de cette division remonte aux tout premiers temps de l'Eglise. Alors que des arrivistes et des gens jouant des coudes tentaient d'occuper des postes de responsabilité et de régenter la communauté de Matthieu, ce dernier transmettait ainsi dans son Evangile la Parole de Jésus :  

"Pour vous, ne vous faites pas appeler Rabbi (directeurs) ; ne vous faites pas appeler Père...,ne vous faites pas appeler docteurs..., vous êtes tous frères" Matt-23,8-10.  

De nos jours, les biblistes voient dans ce passage un net refus de toute forme hiérarchique. Le plus récent commentaire de l'Evangile selon saint Matthieu, en 1997, se référant à ce passage s'exprime ainsi : "Une Eglise sans maîtres et sujets, une Eglise de serviteurs égaux, solidaires et fraternels, voici ce que prône Matthieu. L'Eglise du Christ ne devrait connaître aucune hiérarchie, aucune sainte domination, étant donné qu'il ne peut y avoir de suprématie entre frères"(Luz III -314) 

L'Eglise assimilée au clergé 

"Mais l'avertissement de Matthieu n'a pas réussi à s'imposer. Un mauvais tournant est pris soudain au début du IIIème siècle. Dès lors, il y a, au sein de l'Eglise , deux classes, <ordo et plebs>, les clercs et les laïcs, les prêtres et le peuple. Cette différence entre prêtres et laïcs se confirme au cours du IIIème siècle : L'Eglise est assimilée au clergé et c'est là l'une des erreurs les plus fatales au cours de son histoire. On commence par ordonner les responsables de la liturgie, mais bientôt le clergé possède d'autres fonctions. C'est lui qui devient détenteur de tous les postes d'Eglise. Lorsque l'évêque pénètre dans une église, le peuple doit se lever. Les laïcs seront de plus en plus condamnés à la passivité. Un texte intitulé Pseudo Clément, un roman de la chrétienté du IIIème siècle, compare l'Eglise à un navire dont le capitaine est le Christ ; l'évêque est son assistant, les prêtres sont les matelots, les diacres sont les rameurs, les catéchistes les gardiens de l'ordre qui se chargent aussi de placer les voyageurs. Quant aux fidèles, ils forment la foule des passagers : ils ne font pas avancer le navire mais ils sont à la merci du bon vouloir d'un équipage plus ou moins doué. Voilà l'image de l'Eglise cléricale telle qu'elle s'est maintenue à travers les siècles jusqu'à nos jours. Au début du IVème siècle apparaissent aussi les premières mesures recommandant le célibat aux prêtres : ceux-ci ne devraient pas être autorisés à toucher le Corps du Christ avec des mains ayant touché le corps d'une femme. C'est ainsi que le sacrement de l'ordre est mené à sa perfection" 

Herbert Haag poursuit en faisant observer que la situation de détresse dans laquelle se trouve actuellement l'Eglise, soi-disant infaillible, déclare-t-il, est comme un ultime appel à un retour aux sources. Aussi il déplore qu'une récente instruction romaine ait anéanti tout espoir de revenir à l'époque primitive où durant deux siècles les laïcs présidaient le Repas du Seigneur. Il fait remarquer que dans cette instruction le mot "saint" se retrouve partout, comme un fil conducteur. Les prêtres y sont décrits comme des "ministres   sacrés" qui possèdent des "pouvoirs sacrés" en vertu des "ordres sacrés" qu'ils ont reçus. Ils sont des êtres "sanctifiés" par leur consécration. Il y est fait aussi mention des "saints pasteurs". 

"Pourtant, dit-il, il s'agirait de se rappeler que le premier devoir du pasteur n'est pas de menacer le peuple de sa crosse mais de le faire paître sur des prés d'herbe fraîche. Si j'avais dû ne me nourrir que du pain offert par les "saints pasteurs", il y a longtemps que je serais mort de faim .Nous savons tous dans quelle atmosphère de cachotteries, de manque de transparence, de crainte, tout fonctionne dans le système actuel"...

L'Eglise dans une impasse totale. 

"Notre Eglise se trouve dans une impasse totale Pourquoi ne nous répéterions-nous pas les si belles paroles de Pierre dans son épître  ( ch  2, versets 5-9)  

"Tous les croyants forment une grande communauté de prêtres, tous sont des pasteurs, tous ont reçu une consécration par le baptême." 

Quel avenir pour l'Eglise cléricale ?  

"Le pape Jean XXIII nous a laissé un testament. Il ne l'a pas écrit, mais quelques jours avant sa mort, il l'a transmis à plusieurs témoins sûrs. Le 24 Mai 1963, au seuil de l'éternité, il déclara "Le moment est venu pour reconnaître les signes des temps, pour nous saisir des possibilités qui nous sont offertes et pour tourner nos yeux vers l'avenir "Devant l'immense détresse dans laquelle se trouve à présent notre Eglise , les paroles du pape Jean Paul II pourraient bien se traduire aujourd'hui ainsi:

 " Le moment est venu de faire nos adieux à l'Eglise des clercs " 

L'allocution de Hebert Haag a été publiée intégralement dans le bulletin JONAS édité par des prêtres en fonction sous le titre: 

  "Le moment est venu de faire nos adieux à l'Eglise cléricale" 

Elle peut être résumée ainsi: 

L'Eglise romaine (qui se proclame la seule catholique ou universelle) est divisée en deux classes; l'une, constituée de la masse des "soumis" , comme l'écrit le théologien belge, Pierre de Locht, dans son livre "Morale sexuelle et Magistère" (page 230) "Comment s'étonner que tant d'êtres, souvent de grande valeur,...délaissent une Eglise... qui ne tolère qu'un peuple soumis". Ce peuple ne possède par lui-même aucun pouvoir mais, par contre, il a un devoir strict, celui d'obéir ; l'autre, constituée du clergé qui possède tous les pouvoirs, les évêques ayant à leur tête le pape. Les prêtres n'ont que les pouvoirs délégués par leur évêque. Néanmoins, par leur ordination qui fait d'eux des "ministres sacrés", ils font définitivement partie de l'Eglise cléricale. Or il est certain que cette Eglise cléricale de structure pyramidale est une création de l'histoire. Elle s'est dotée d'un régime de monarchie absolue copié sur l'impérialisme romain. 

Mais puisque l'Eglise cléricale est une construction humaine, totalement étrangère à la volonté de Jésus-Christ, la papauté qui en est la clef de voûte est donc nécessairement, elle aussi, une création historique. Bien sûr, l'Eglise cléricale persévérera dans l'affirmation que la papauté remonte à l'apôtre Pierre. Il lui est loisible de revendiquer cette succession apostolique mais cela ne change rien au problème de sa création historique à un moment donné de son passé. De là à revendiquer l'autorité suprême et, peu à peu, l'infaillibilité pour celui qu'elle choisit pour chef, il n'y avait qu'un pas à franchir. Il fut franchi au cours des siècles. 

Les prémices de l'absolutisme pontifical 

Dès le XIème siècle le pape Grégoire VII (1073-1085) a établi la base de la suprématie absolue de la papauté dans son "Dictatus papae", constitué de 27 courtes sentences, véritable charte de la papauté telle qu'il la concevait. En voici quelques unes: 

  • "Le pape est le seul homme dont les princes baisent les pieds"

  • "Le pape a le droit de déposer les empereurs" 

  • "Personne ne peut invalider ses décisions, lui seul peut invalider tous les jugements" 

  • "Il ne peut être jugé par personne" 

  • "L'Eglise romaine ne s'est jamais trompée, et selon le témoignage de la Bible, ne se trompera jamais" 

Notons bien cette dernière sentence "L'Eglise romaine etc..." 

Comme précédemment, je m'abstiens de formuler un jugement sur de telles déclarations manifestant une volonté de puissance qui, au cours des siècles, n'a fait que grandir. Je fais appel à des théologiens qui se sont exprimés à propos de l'Eglise cléricale. 

La fausse idéologie pyramidale et monarchique 

Le premier que je cite est le français, Yves Congar. Ce dominicain, considéré comme l'un des plus éminents théologiens du XXème siècle, a adressé, en 1968, aux évêques français, une lettre confidentielle à propos de l'encyclique "Humanae vitae" de Paul VI condamnant la pilule contraceptive.(archives diocésaines de Lille).Yves Congar à qui Paul VI confia ses préoccupations à plusieurs reprises au cours d'entretiens privés fut élevé à la dignité de Cardinal en 1994. Il devait décéder l'année suivante. Il leur écrivit: 

"J'achève en ce moment une histoire des doctrines ecclésiologiques à laquelle je pense depuis plus de quinze ans. C'est à partir du Xème siècle ( et alors sur la base de textes apocryphes) l'instauration en Occident (l'Orient a refusé) d'un régime de monarchie absolue, l'instauration d'une conception pyramidale de l'Eglise. A partir du XVIème siècle, on trouve un abus grandissant de l'idée d'infaillibilité, un gonflement de l'idée de Magistère. Dans le cas d'Humanae Vitae, on a reconnu officiellement que ce n'est pas un document infaillible, mais on exige de fait qu'on se comporte comme s'il l'était... Mais le point important dans cette fausse idéologie pyramidale et monarchique, c'est que tout se passe, quelles que soient les déclarations faites, comme si le Saint Esprit promis à l'Eglise était accordé à un seul et que celui-ci puisse décider solitairement de façon souveraine. Le mot cruel de G.Tyrrell est alors proche de se vérifier, sur l'Eglise qui serait infaillible , un peu comme un troupeau de brebis, en union avec son pasteur, pourrait être déclaré intelligent"  

plus loin il ajoute:

"Je ressens très fort et très douloureusement la gravité de la crise actuelle portant sur une certaine autorité ou un certain exercice du Magistère. Elle est peut-être définitive. Il se pourrait que Rome ait perdu en un coup ce qu'elle a mis seize siècles à construire ; mais on peut se demander si cette crise ne relève pas de l'histoire conduite par Dieu où les fléaux servent à la leçon et à la correction du peuple de Dieu" 

Ce grand théologien a donné la preuve d'une extraordinaire lucidité et surtout d'un immense courage en osant livrer en 1968, aux évêques français, le fruit de toute une vie consacrée à la recherche de la vérité sur la réalité de l'Eglise-institution. 

Il ne craint pas de déclarer comme faux ce système d'idées, nommé idéologie, constituant une doctrine ou politique ou sociale ou religieuse qui inspire les actes d'un gouvernement. 

Idéologique est cette forme de gouvernement qu'il compare à une pyramide avec, à son sommet, le pape entouré de ses ministres à la tête des Dicastères. C'est le pouvoir central qu'on désigne sous le vocable "le Vatican"; au dessous, les évèques liés au pape par un serment d'obéissance inconditionnelle; plus bas, les prêtres tenus d'obéir à leur évêque; enfin, à la base, la multitude silencieuse des laïcs chrétiens. 

Idéologique est ce système d'idées qui, au cours des siècles, à conduit à faire du pape un monarque au pouvoir absolu lui permettant de décider seul du vrai et du bien de façon  infaillible. 

Le cardinal Yves Congar doit être placé parmi les trop rares théologiens qui prennent la liberté d'exprimer leurs idées dans un système très structuré où toute velléité d'indépendance intellectuelle est soumise à une sanction pouvant aller jusqu'à l'exclusion, si besoin est, pour que soit sauvegardée la pensée unique, celle du chef. 

Dans son livre "Entretiens d'automne" publié en 1988, il écrivait: 

"Le christianisme a été accaparé par une Eglise devenue de plus en plus cléricale et finalement très hiérocratique"...la papauté a "hérité incontestablement de l'idée impériale romaine" 

De ses recherches historiques a émergé la certitude que la création de l'institution cléricale remonte au Vème siècle. C'est pourquoi il parle de seize siècles, alors que le christianisme a vingt siècles d'existence. 

Le monopole de la vérité que l'Eglise prétend détenir  

Dans son livre "Quelle morale pour l'Eglise ?" (éd. Le Cerf) l'éminent théologien allemand, Bernhard Häring dont l'ouvrage "La loi du Christ" à l'usage des séminaristes a été traduit en plusieurs langues, écrit : 

"L'Eglise n'a pas le monopole de la vérité"  (p. 109) et page 125 "Quiconque croit avoir le monopole de la vérité et donc rêve de ne rien devoir apprendre, de n'avoir pas à mieux discerner, de n'avoir rien à corriger, celui-là est proche de la psychose. Il vivra une pseudo innocence, dangereuse pour lui et pour les autres. Bref, il vivra dans un pseudo infaillibilisme"... 

"Si l'Eglise se comporte en détentrice d'un monopole, acquis et garanti, de la vérité de toutes les formules, de toutes les réponses, elle ne pourra que provoquer des rapports pertubés et pertubants avec l'extérieur: autres Eglises, autres religions, humanistes non croyants etc...Le monopoliste ne peut se guérir lui-même et encore moins les autres"... 

"IL y eut péché structurel lorsque, dans l'Eglise, la papauté se créa un Empire non seulement comme les autres mais encore supérieur aux autres, s'arrogeant le droit de déposer les empereurs en référence aux "deux épées". Dans ce conteste il s'agit bien d'une structure de péché où il était certes très difficile de percevoir la vérité biblique de l'humilité et de la non-violence"... 

" La "Sainte Inquisition" fut un péché structurel" 

Un environnement de ruines. 

Dans son remarquable ouvrage "Des eunuques pour le royaume des cieux", la théologienne allemande, Uta Ranke Heinemann, écrit : 

"Avec ses élucubrations sexuelles , elle (la doctrine morale de l'Eglise cléricale) se retrouve environnée de ruines. Elle n'est plus qu'une folie qui se veut religieuse et se réclame de Dieu après avoir faussé de nombreuses consciences... Elle a trop opprimé la nature et le naturel de l'être humain au nom d'un surnaturel étranger, voire hostile à l'homme, pour pouvoir résister comme un arc trop tendu qui se brise. La prétention de sa folie l'a fait échouer... C'est son propre manque de miséricorde qui a entraîné sa perte, car elle cherchait à soumettre l'homme à ses propres lois au lieu de le laisser suivre docilement les commandements de Dieu qui appellent à la liberté".(p.380 éditions Robert Laffont.) 

Une organisation dictatoriale 

Que de voix se sont élevées tout au long des siècles pour dénoncer le système oppressif et répressif de l'institution ecclésiastique, que de révoltes il a suscités, comme celle de Luther qui a donné naissance au protestantisme. Dernièrement, dans ses "Réflexions" adressées à l'association "Droits et liberté dans les Eglises" et publiées dans son bulletin, le théologien belge déjà cité, Pierre de Locht, écrivait : 

"Quel appauvrissement du rayonnement évangélique lorsque cette effervescence de l'Esprit... est paralysée parce que domine une organisation pyramidale et dictatoriale." 

Lui aussi, après beaucoup d'autres, parle de la dictature exercée par l'institution cléricale. Celle-ci provoque parfois des cris de révolte. 

Un terrible réquisitoire

En 1992, parut aux éditions Fixot un livre ayant pour titre "Prisonnier de Dieu". Son auteur, Michel Benoît, après avoir fait de brillantes études auprès du renommé biologiste Jacques Monot, choisit la voie de Dieu en entrant dans les ordres. Il y resta 21 ans jusqu'au jour où il fut congédié sans explication. Son livre est un témoignage "contre le lavage de cerveau, écrit son éditeur, auquel l'institution ecclésiastique soumet ses membres pour obtenir une totale soumission". La dernière page contient un accablant réquisitoire. 

"J'accuse l'Eglise (institutionnelle, sous-entendu) d'utiliser les hommes comme des instruments au service de son pouvoir. Je n'en veux à aucun de ces hommes, pris  un à un. Ils sont captifs d'un système, de l'idéologie la plus meurtrière que l'humanité ait sécrétée" 

"J'accuse l'Eglise de puiser à la pelle dans ce qu'il y a de plus beau, de plus fragile en nous et de plus dérisoire, l'idéalisme, notre besoin de noblesse, de droiture, de pureté"  

"J'accuse l'Eglise, surtout, de nous avoir privés de ce bien essentiel, indispensable à nos vies et à nos sociétés , Dieu, pour établir par dessus Lui les murailles de sa domination. Oui, finalement l'Eglise nous a volé Dieu à son profit exclusif" 

Et s'adressant à son ami Mark à qui il vient de confier sa souffrance et sa déception  

"Prends garde, ami, la marge est étroite entre Dieu et le néant" 

Transgresser, c'est avancer. 

Je me suis constamment effacé pour donner la parole à des théologiens renommés, comme Yves Congar, Berhard Häring, Pierre de Locht, pour ne citer que ceux-ci. Ce dernier écrit encore, toujours dans ses "Réflexions"  

"La transgression n'est pas une opposition. Elle est une manière d'être qu'on adopte en soi et pour soi, car on la considère comme davantage conforme à l'Evangile... Transgresser, c'est avancer au delà des normes actuellement établies afin de mieux répondre aux exigences humaines et évangéliques" 

Quelle valeur accorde-t-il aux lois fixées par l'Eglise cléricale si, pour être fidèle à l'esprit de Jésus-Christ, il est nécessaire de les transgresser ? 

Les dernières lignes du théologien serviront d'introduction au sujet annoncé par le titre, à savoir:   

      


Troisième  PARTIE


La violation de l'un des droits fondamentaux

de l'homme par l'église cléricale 

 
Le lourd passé de l'Eglise cléricale  

Dans son livre "Morale sexuelle et Magistère" (ed. du Cerf), l'éminent théologien, Pierre de Locht, maître émérite de conférence des sciences familiales et sexologiques à l'Université catholique de Louvain a écrit : "Que d'accrocs aux droits de l'homme au cours de vingt siècles d'Eglise chrétienne ! Plus qu'ailleurs, je ne le pense pas. Aujourd'hui cependant, ils nous paraissent criants et particulièrement incompatibles avec le message évangélique"  

"Accrocs" terme euphémique pour désigner les horreurs perpétrées tout au long de siècles au nom de Dieu : croisades avec leur cortège de massacres, de viols, de pillages, persécutions des juifs, Inquisition accompagnée de l'usage de la torture prescrite par le pape Innocent IV (1243-1254), bûchers allumés pour brûler  sorcières et hérétiques ou tenus pour tels comme Jean Huss , Arnaud de Brescia, Gionino  Bruno, femmes de prêtres réduites en esclavage etc...

Mais il y a une violation des droits fondamentaux de l'homme si énorme que personne de la voit ou que personne ne veut la considérer comme telle par crainte de l'autorité religieuse. Nous sommes tellement habitués depuis des siècles à ce que les prêtres soient obligés d'observer le célibat par décision de l'institution ecclésiastique qu'il ne vient à l'esprit de personne de se poser des questions comme celles-ci : L'Eglise cléricale  a -t-elle le droit d'interdire le mariage à des hommes ? La loi ecclésiastique imposant aux prêtres l'obligation du célibat est-elle conforme à la loi naturelle telle que l'Eglise-institution la conçoit ? N'y est-elle pas plutôt contraire 

Le seul fait de poser de telles questions sera considéré par d'aucuns comme une provocation car n'est-ce pas mettre en cause l'autorité religieuse que de se demander si celle-ci avait le droit d'établir une loi supprimant à des hommes la liberté de contracter une union conjugale ?

Distinguer entre célibat et loi du célibat

Une distinction importante

ll importe d'établir une distinction entre la loi et le célibat, deux termes différents qui expriment des réalités distinctes.

Le célibat est un état de vie qui est librement choisi ou imposé par les circonstances de la vie. En effet le célibataire a toujours la faculté de se marier car aucune loi ne le lui interdit. Beaucoup de gens sont célibataires sans être prêtres. 

Par contre la loi dite du célibat établie par l'institution cléricale constitue pour les prêtres une norme morale contraignante. 

La transgression de cette loi est sanctionnée par l'exclusion qui allait, entre 1917 et 1983 jusqu'à l'excommunication. Depuis 1964 le pape Paul VI a accordé de nombreuses dispenses du célibat aux prêtres qui en faisaient la demande. Le réactionnaire Jean-Paul II a fermé la porte pour tenter, vainement d'ailleurs, d'enrayer l'hémorragie au sein du clergé. On compte actuellement plus de 100000 prêtres ayant abandonné leur fonction, la plupart pour se marier.

Des débats sur le célibat des prêtres ont eu lieu sur les ondes, surtout sur les chaînes radiotélévisées ; débats stériles où l'on a entendu partisans et adversaires du célibat s'affronter passionnément sur un faux problème. Ils auraient été fructueux s'ils avaient porté sur la loi. Mais jamais personne n'a osé poser la question de savoir si l'autorité ecclésiastique avait le droit d'établir et de maintenir une législation interdisant le mariage à des hommes.

Dieu n'a-t-il pas donné à l'Eglise cléricale le pouvoir de légiférer comme elle l'entend dans le domaine du sacré ? Le prêtre n'est-il pas un homme à part, un homme "sacré" auquel sont conférés des "pouvoirs sacrés" ? N'est-il pas un être "sanctifié" par la consécration qu'il reçoit de son évêque ? C'est ce qu'elle enseigne.

Cependant, lorsque l'institution ecclésiastique a élaboré la loi et l'a fixée sous sa forme définitive au XIIème siècle, a-t-elle perçu qu'elle outrepassait son pouvoir en empiétant sur le domaine exclusif de Dieu ? 

La loi du célibat condamnée par Léon XIII (1878-1903)

J'emploie la même méthode que précédemment afin de ne pas encourir le reproche de vouloir exposer mes propres idées qui pourraient être considérées sujettes à caution.

Mon argumentation sera fondée exclusivement sur des documents ecclésiaux, tout d'abord sur des encycliques pontificales puis sur le Catéchisme publié en 1992, contenant l'enseignement dogmatique et moral de l'Eglise cléricale.

Le 15 Mai 1891, le pape Léon XIII publiait l'encyclique RERUM NOVARUM où on lit 

"Aucune loi humaine ne saurait enlever d'aucune façon le droit naturel et primordial de tout homme au mariage...(droit) établi par Dieu dès l'origine"
(Genèse I-28)

En rappelant ce principe universel d'ordre moral, Léon XIII s'est-il rendu compte qu'il contenait implicitement la condamnation de la loi du célibat ? Certainement pas. Nous verrons plus loin pour quelle  raison l'Eglise cléricale ne s'est pas trouvée concernée par ce principe.

La sexualité, source de jouissante impure.

Il est incontestable que la loi ecclésiastique du célibat est une loi humaine fixée définitivement au cours du concile du Latran en 1139. Elle a sa source dans le sentiment de profonde aversion pour le mariage qui implique l'exercice de la sexualité considérée très tôt dans le monde chrétien comme occasion inévitable de jouissance impure, jamais totalement exempte de péché. C'est la raison invoquée dans le canon 7 (règle) du concile du Latran "afin que la pureté se répande dans le clergé". On est donc en droit de penser en toute logique que les gens mariés se vautrent dans l'impureté quand l'acte conjugal, même à finalité exclusivement procréatrice, est accompagné de débats amoureux "immodérés"  

Augustin (saint), considéré comme l'un des plus grands docteurs de l'Eglise, écrivait à la fin du IVème siècle "Si l'on exclut la procréation, les époux ne sont plus que de vils amants, les épouses des prostituées, les lits conjugaux des bordels et les beaux-pères des souteneurs " (contra faustus XV 7)  

Chez ce manichéen converti en 387, le refus du plaisir devint obsessionnel. Jusqu'à la fin de sa vie, le souvenir de sa propre infidélité envers sa femme délaissée et de ses divertissements érotiques avec une maîtresse tourmentèrent sa conscience. Il se fit le champion de la virginité et tint le célibat qui exclut la recherche du plaisir pour un état de vie supérieur au mariage. 

Son influence fut déterminante. Elle façonna l'histoire de l'éthique chrétienne jusqu'à nos jours. Ainsi Jean-Paul II lui-même, au cours d'une audience, le 8 octobre 1980, parla de l'adultère dont se rend coupable un couple qui utilise des techniques contraceptives autres que la méthode des périodes agénésiques de la femme. 

On comprend alors que le monde ecclésiastique fut amené, en raison de sa profonde répulsion à l'égard du plaisir sexuel, à promulguer une loi interdisant le mariage à ses ministres sacrés, sanctifiés par l'onction sacerdotale. Il lui paraissait répugnant et dégradant que des mains puissent toucher l'Hostie Sainte après avoir caresser le corps d'une femme. Manifester à sa femme son amour et sa tendresse serait donc un plaisir condamnable ?

La diffamation de la femme

On pourrait le penser quand on lit tout ce que les théologiens ont écrit sur la femme au XIIIème siècle, l'âge d'or de la diffamation de celle-ci. Ils se plaçaient dans la ligne d'Augustin et de saint Grégoire qui déclarait au VIème siècle "Le plaisir n'est jamais sans péché" reflet de la morale sexuelle du VIème au XIIème siècle. Ainsi, dans son ouvrage "questionnes super de animalibus XV q.11" le théologien Albert le Grand,  écrit :

"La femme est moins apte que l'homme à la moralité... Elle n'a pas de fidélité... elle est un homme raté ; par rapport à l'homme elle ne possède qu'une nature défectueuse et imparfaite. Ce qu'elle ne peut obtenir elle-même, elle cherche à l'atteindre par le mensonge et des tromperies diaboliques. Aussi doit-on se garder de chaque femme comme d'un serpent venimeux et du diable cornu... l'intelligence tend vers le bien, la malice vers le mal... voilà pourquoi la femme est plus maline que l'homme pour les entreprises mauvaises et perverses" (Il faut croire que plus on abaisse la femme, plus on s'élève en sainteté. Il est canonisé, bien sûr). Ailleurs, ce saint homme qualifie le plaisir sexuel de "sale" "maculant" "honteux" "avilissant" "pourri"  "corrompu" etc...

Son disciple, Thomas d'Aquin, (lui aussi canonisé), auquel a été donné le titre de "Lumière de l'Eglise" a systématisé la doctrine d'Augustin et d'Albert le Grand en matière de morale sexuelle. C'est au philosophe grec, Aristote, qu'il doit l'explication de l'infériorité de la femme "homme mutilé" "échec de la nature". 

"La femme, écrit-il, ne correspond pas au premier dessein de la nature, l'homme dans sa perfection, mais à un second dessein comme la putréfaction et la décrépitude" (S.th.supplém.Q.52,a 1 ad 2). Il reprend à son compte les paroles d'Augustin "Rien ne tire plus l'esprit de l'homme vers le bas que les caresses d'une femme et les attouchements corporels sans lesquels un homme ne peut posséder son épouse" (S.th. II-II q.151 a3 ad 2

Il place la virginité à un degré tellement supérieur qu'il fait siennes les élucubrations de saint Jérôme selon lequel les personnes vierges seront récompensées dans le ciel à cent pour cent, les veufs à soixante pour cent et les gens mariés seulement à trente pour cent. Il semble utile de citer quelques expressions de ce grand théologien pour stigmatiser le rapport conjugal "saleté"  "souillure" "turpitude" "ignominie".

Certes, l'Eglise institutionnelle a abandonné le langage outrancier de cette  "lumière de l'Eglise. Elle marque même une certaine évolution en reconnaissant la légitimité des rapports conjugaux accomplis pour le plaisir "modéré" à la condition que la finalité procréatrice ne soit pas définitivement exclue de l'intention des époux. Néanmoins, son aversion pour le plaisir lié à l'exercice de la sexualité demeure profondément ancrée dans son esprit d'où la valorisation constante du célibat comme genre de vie le plus digne de l'homme, à fortiori du prêtre. Celui-ci ne doit-il pas s'efforcer de vivre comme un "pur esprit", selon la recommandation de Pie XI dans son encyclique sur le sacerdoce.(1936)

Il est permis de se demander comment le prêtre peut vivre d'une façon angélique avec un corps qui, semblable à celui de tous les hommes, est soumis aux mêmes pulsions.

Aucune loi humaine ne saurait enlever d'aucune façon  

ni directement comme ce fut le cas au concile du Latran où ont été décrétées
1° l'invalidité du mariage de tout clerc (sous-diacre, diacre, -prêtre)
2° l'invalidité de toute union conclue antérieurement à la loi en  vertu de l'effet rétroactif de celle-ci par une décision arbitraire prise au mépris des règles de la justice fondée sur le respect du  Droit 
ni indirectement en imposant le renoncement au mariage comme condition sine qua non à la réception de la prêtrise (concile Vatican II 1962-1965)

Les autorités religieuses ont toujours su que la loi du célibat est immorale puisqu'elle est radicalement contraire au droit naturel (Léon XIII). La preuve en sera donnée plus loin. Mais il leur est impossible de le reconnaître sans se discréditer. Aussi, au cours du concile Vatican II, elles ont contourné la difficulté que représentait la maintenance d'une loi dont l'objet était l'interdition pure et simple du mariage à une catégorie d'hommes. Elles ont donc exigé du prêtre le renoncement au mariage comme condition de l'accession à la prêtrise.

Ainsi le renoncement à une union conjugale pourrait apparaître libre grâce à des raisonnements captieux comme de dire "L'Eglise n'oblige personne à devenir prêtre, donc le prêtre est libre de renoncer au mariage" ou encore "L'Eglise n'empêche personne de se marier".

Qui ne voit que ces raisonnements subtils et d'une excessive finesse dissimulent le vide de la pensée. D'ailleurs ils ont été taxés d'arguties par Mgr Samuel Carter, évêque de la Jamaïque s'exprimant au nom de la conférence épiscopale antillaise au synode des évêques à Rome en 1971. En effet comment est-il possible de soutenir que le renoncement au mariage est libre quand le candidat à la prêtrise y est contraint par la loi ? Ces raisonnements fallacieux, très répandus dans le monde catholique par la propagande romaine, experte dans la fabrication d'arguments dénués de toute valeur, sont destinés à discréditer les prêtres qui se marient "voyez, dit-on à leur sujet, comme ils sont infidèles à leur promesse". Les prêtres eux-mêmes se laissent prendre à ces raisonnements dont beaucoup ne perçoivent pas la tromperie savamment dissimulée sous les apparences du vrai. Ils ne comprennent pas qu'on puisse leur dire  "Il vous est loisible d'entretenir l'illusion d'un célibat librement choisi sous la contrainte de la loi". 

"ne saurait enlever le droit naturel et primordial"

On entend constamment parler des droits de l'homme, droits de l'enfant, droits de la femme, droits au travail, au logement etc. Or tous les droits, souvent acquis après de longues luttes, découlent de lois établies par le législateur. Pour Léon XIII, le droit au mariage constitue un droit découlant de la nature de l'homme et conçu comme primordial auquel aucune législation ne peut porter atteinte car, précise-t-il, il est d'origine divine.

La déclation du pape Paul VI

Dans son encyclique "Populorum progressio" publiée le 26 mars 1967, le pape Paul VI déclare :

"Sans le droit inaliénable au mariage et à la procréation, il n'est plus de dignité humaine. Le premier droit de l'homme est le droit à la vie et de donner la vie"

Par le qualificatif "inaliénable", Paul VI entend signifier que personne ne peut se dessaisir de son droit au mariage au profit d'une personne ou d'une société, civile ou religieuse. On peut seulement renoncer à l'exercice de son droit par une décision entièrement libre, soit pour un temps, soit définitivement, mais non par la contrainte. 

Il s'ensuit que bafouer les droits "primordiaux" (Léon XIII), "premiers" (Paul VI), "le droit à la vie et de donner la vie", revient à bafouer la loi naturelle telle que l'Eglise institutionnelle la conçoit. En effet celle-ci s'exprime clairement et sans équivoque sur la loi naturelle qui "forme la base des devoirs et des droits fondamentaux de l'homme", lit-on dans son Catéchisme, publié en 1992, où elle expose son enseignement. (N°1978) 

"La loi naturelle, lit-on encore, n'est rien d'autre que la lumière de l'intelligence mise en nous par Dieu... elle énonce les préceptes premiers et essentiels qui régissent la loi morale (qui s'impose à la conscience) ; par elle nous connaissons ce qu'il faut faire et ce qu'il faut éviter... Présente dans le coeur de chaque homme et établie par la raison, la loi naturelle est universelle en ses préceptes et son autorité s'étend à tous les hommes ; elle est immuable et permanente à travers les variations de l'histoire"

"C'est pourquoi elle est dite loi morale naturelle et divine"  (N°1954 à 1965)

(les chiffres renvoient au numéros placés en marge des pages du Catéchisme)

Quand, au Siècle des Lumières, puis lors de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, des non-chrétiens ont repris les exigences du Droit naturel, ils ont refusé de reconnaître son origine divine. La hiérarchie catholique a commencé à fortement critiquer la morale séculière où pourtant les mêmes droits naturels étaient pris en compte. C'est pourquoi, jusqu'au milieu du XXème siècle, les textes émanant de la hiérarchie ont parlé du "droit naturel divin" pour s'opposer aux philosophes et aux juristes non-chrétiens. Mais il faut noter que dans le contenu, il n'y a aucune différence entre le droit naturel  et le droit naturel "divin".

Le sacrilège des évêques.

Etant donné que la loi du célibat interdit le mariage à des hommes, elle est en opposition formelle avec la loi morale naturelle divine. On peut donc affirmer qu'elle est immorale.

En l'imposant et en la maintenant, la hiérarchie, c'est à dire les évêques y compris l'évêque de Rome, se rend coupable de sacrilège.

"C'est un sacrilège  
que de remplacer la loi naturelle par une loi contraire"

Catéchisme N°1956

Il découle de ce qui précède que le mariage d'un prêtre sans l'accord de l'autorité ecclésiatique, donc mariage civil, est un vrai mariage puisqu'il est conforme à la loi naturelle. Mais au regard de l'Eglise cléricale son mariage est tenu pour nul. Ainsi, elle donne à entendre qu'une loi fixée par des hommes a la priorité sur celle de Dieu.

Voici, pour terminer, quelques lignes extraites du Catéchisme dont il faut rappeler que Jean-Paul II en est l'auteur :

"Le respect de la personne humaine implique celui des droits qui découlent de sa dignité de créature. Ces droits sont antérieurs à la société et s'imposent à elle. Ils fondent la légitimité morale de toute autorité ; en les bafouant ou en refusant de les reconnaître dans sa législation positive une société mine sa propre légitimité morale" (N° 1990)

Flagrante est la contradiction entre le discours et les actes. En refusant de reconnaître les droits primordiaux de la personne humaine dans sa législation positive, l'institution ecclésiastique agit comme si elle ne se considérait pas concernée par ce qu'elle enseigne.

Longtemps réticente, elle a finit par souscrire à la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 .mais elle estime que ces droits ne sont valables que pour la société civile. Mais, société religieuse, elle n'accepte pas que les règles fondamentales du comportement humain, élaborées progressivement par la sagesse des hommes, puissent s'appliquer à elle. En effet, s'estimant au dessus des lois humaines, hors normes, elle s'octroie, avec une prétention inouie, le pouvoir de déroger à la loi naturelle dont elle affirme pourtant l'immuabilité transcendante.

Voulant échapper à toute confrontation avec les critères humains d'évaluation des valeurs morales, ne suscite-t-elle pas le doute sur l'authenticité des vérités qu'elle proclame comme révélées par Dieu, en érigeant pratiquement la loi du célibat au rang d'une vérité dogmatique ? La contester, mieux encore, démontrer qu'elle est immorale, c'est se rendre suspect d'hérésie car, au delà de la contestation fondée exclusivement sur des documents ecclésiaux, n'est-ce pas toute l'autorité ecclésiastique qui est remise en question ; tout l'édifice clérical qui est menacé dans ses fondations mêmes ?

La vérité enchaînée.

Dans une lettre rédigée par des laïcs et adressée , le 2 Février 1992, à tous les évêques français, il leur était posée la question suivante : "Acceptez-vous de reconnaître que la loi du célibat est formellement contraire au principe d'ordre moral formulé par Léon XIII selon lequel aucune loi humaine ne peut enlever le <droit naturel et primordial de tout homme au mariage>

Aucun n'a répondu à la question posée.

En mai 1999, les mêmes laïcs lançaient à l'épiscopat français le défi de réfuter leur argumentation selon laquelle la loi du célibat, du fait qu'elle est radicalement contraire à la loi naturelle, constitue depuis plus de huit siècles une violation indéniable de l'un des droits fondamentaux de l'homme.

Aucun n'a relevé le défi. Pourquoi ? 

Leur fonction leur impose de sacrifier la vérité à la raison d'Eglise. Il leur est interdit de la reconnaître bien que Jean-Paul II ait écrit dans son encyclique "La splendeur de la vérité" publiée en 1993 : 

"C'est la vérité qui rend libre face au pouvoir"  

Appartiendrait-il au monarque de la tenir captive en vertu d'un pouvoir s'identifiant à celui de Dieu ?

Il apparaît que l'Eglise cléricale ne soit pas prête à reconnaître la vérité sur la loi  du célibat dont elle à fait un instrument de pouvoir. Pourquoi ?

La réponse à cette question a été fournie par le regretté cardinal Yves Congar, déjà cité. Lucide et courageux, il n'a pas craint de confirmer dans sa lettre du 28 Octobre 1991 à Maurice Weitlauff les propos qu'il lui avait tenus au cours d'un entretien portant sur la loi du célibat.

"Il ne faut pas se faire d'illusions, l'Eglise ne reviendra jamais en arrière
Rome, c'est l'orgueil

 

En trois mots, l'éminent théologien a résumé l'histoire du comportement de l'institution ecclésiastique tout au long des siècles.

Approuvent et signent : Viviane Weitlauff - Béatrice Fraisse - Danielle Duband

   


Quatrième PARTIE


 

Regard sur quelques méthodes de l'institution cléricale.

 
Questions posées par Béatrice Fraisse, l'une des cosignataires.

Un événement important a marqué votre vie. Il a eu un grand retentissement dans l'opinion publique. Aujourd'hui il est tombé dans l'oubli. Voulez-vous bien nous le rappeler ?

On peut parler d'un événement important de ma vie lorsque, le 5 Septembre 1964, le journal Le Monde annonça, sur ma demande, le mariage religieux d'un prêtre âgé de 44 ans. Cette nouvelle parut tellement surprenante, voire même invraisemblable, que beaucoup de journalistes doutèrent de l'exactitude de l'information. Le doute fut dissipé le dimanche suivant lorsque je confirmai moi-même la nouvelle sur les ondes d'Europe 1. J'étais le prêtre dont le mariage religieux avait été célébré le 16 Mai précédent à l'évêché de Versailles.

Etiez-vous le premier prêtre autorisé par l'Eglise-institution à se marier religieusement ?

Non, avant moi, des prêtres avaient obtenu la même autorisation mais le secret avait été bien gardé. J'en ai eu la preuve au cours de mon entretien avec l'official du diocèse, prêtre chargé des dossiers relatifs à l'annulation des mariages. Quand il m'informa que la réponse de Rome était arrivé il me précisa que mon mariage serait sans témoin, contrairement aux mariages précédents. "Je ne suis donc pas le premier ? " lui ai-je demandé. Il se rendit compte, tardivement, qu'il en avait trop dit.

C'est donc qu'ils avaient observé le silence sur leur mariage. Par honte ? par crainte du qu'en dira-t-on ?  parce qu'on avait exigé d'eux le secret ?

C'est parce que l'autorité ecclésiastique avait exigé le secret absolu afin que personne ne soit au courant de ces mariages.

L'inhumanité de l'institution cléricale

Vous a-t-elle imposé le même secret  ?

Le secret exigé était si rigoureux qu'il m'était interdit de révéler mon mariage ni à ma mère, ni à mon frère ni à aucun membre de ma famille, en un mot, à personne.

C'est épouvantable. Pas même à votre mère ?

Il me paraît utile de vous rapporter mon entretien avec ce fonctionnaire exécutant aveuglément les ordres de Rome afin de montrer l'inhumanité du système ecclésiastique, sans âme, figé dans des structures juridiques, où l'individu est sacrifié au prestige de l'institution.

Je vous écoute avec un grand intérêt.

Giordano Bruno, savant dominicain, champion de la liberté de pensée, condamné a être brulé vif par le tribunal de l'inquisition et le pape Clement VIII, le 8 février 1600L'entretien fut dramatique. Je lui demandai avec indignation "que devrais-je dire à ma mère ?". Il souleva les épaules en signe d'impuissance "j'exécute les ordres". Je me trouvais en face d'un valet aux ordres du maître.

Je poursuivis  "Il faudra donc que je paraisse à ses yeux de chrétienne un prêtre indigne. Avez -vous pensé à ses souffrances, aux larmes qu'elle versera à l'idée de son fils paraissant trahir ses engagements, à la honte qu'elle éprouvera ? 

Il restait impassible "Qu'avez-vous donc à la place du coeur ? Une pierre ?

Il était gêné. Il ne s'attendait pas à ce que je m'insurge avec colère contre ces odieuses conditions. Il ne faisait que répéter "Je dois obéir. Je dois exécuter les ordres"

Outré, je poursuivis "Mon frère, ma belle-soeur, tous les membres de ma famille vont me harceler de questions. Si je leur dis que je suis en règle avec l'Eglise, il ne comprendront pas. L'un d'eux, plus perspicace, me demandera peut-être si je suis marié religieusement. Devrais-je répondre non ?  devrais-je mentir ? "

"Vous resterez évasif "

"Evasif  ? Qu'est-ce que cela veut dire ? oui et non ? "

A l'évidence, je le mettais mal à l'aise. Je continuai  "Et du côté de ma femme dont les convictions religieuses sont connues de sa famille, de ses amis, de son milieu de travail, elle passera pour une singulière hypocrite car personne ne comprendra un mariage purement civil. Elle, non plus, ne sera pas épargnée."

"Je suis connu au Vésinet, à Maisons-Laffitte et ailleurs. Si quelqu'un me rencontre une femme à mon bras , une alliance au doigt, on saura rapidement que je suis marié. Ce sera un scandale. Nous n'avons pas droit, ma femme et moi, à la considération ?

"Tant pis pour le scandale, tant pis pour votre réputation. L'honneur de l'Eglise passe avant tout. Les fidèles ne doivent rien savoir, sinon". Il n'acheva pas sa phrase. 

"Sinon quoi ?" Il ne répondit pas à ma question.

"Parce que vous pensez qu'ils seraient troublés, qu'ils ne comprendraient plus rien à votre religion"

Je voulus voir jusqu'où irait sa cynique désinvolture. " Il va me falloir chercher un emploi et donc fournir un curriculum vitae. Que devrais- je dire ? que j'ai passé tout mon temps en prison ? " 

"Ah, en effet. Ils n'ont pas pensé à cela. Moi non plus."

Après un moment de réflexion "A la rigueur, vous direz que vous êtes prêtre, prêtre ouvrier, par exemple."

" Excellente idée mais il faudra que je veille à retirer mon alliance. Actuellement les prêtres ouvriers ne sont pas bien vus des patrons, à plus forte raison les prêtres mariés."

Il faisait semblant de ne pas entendre. "Le secret est si rigoureux, continua-t-il, que votre mariage ne sera pas mentionné sur l'acte de baptême de l'un et de l'autre. De plus il vous est interdit d'être parrain à l'occasion d'un baptême"

"Autrement dit, répliquai-je, moins qu'un chrétien. Un pestiféré, un lépreux dont le contact peut contaminer ceux qui m'approchent. Quelle délicate attention !

"C'est inouï. Impensable ! C'est tout.

Nous sommes loin du compte. Je me demande s'il n'éprouvait pas un certain plaisir sadique à me tourmenter en énumérant les conditions. "Ce n'est pas tout, dit-il. Il vous est interdit d'aller dans les paroisses où vous avez exercé le ministère et dans celle du lieu de votre naissance"

"Et si ma profession m'y oblige ?"

"Arrangez-vous avec votre patron"

"Vous avez l'art de simplifier les choses. Il faudra que j'ai affaire à un patron sur mesure, plus compréhensif que vous, pensai-je"

"Enfin il reste une condition moins importante que vous n'êtes pas obligé d'accepter. Vous savez que toute faveur de Rome est accompagnée d'une pénitence. Il vous est demandé de faire une retraite de huit jours où vous voudrez. Le lieu est laissé à votre choix"

C'était un comble. Il me parlait d'une faveur alors qu'en m'accordant la dispense du célibat Rome reconnaissait implicitement que j'étais une des innombrables victimes de son système totalitaire. Pour l'institution, la justice devenait une faveur. Je refusai catégoriquement. Il n'insista pas.

 Je suis atterrée par tout ce que vous me dites. Pourquoi ces conditions odieuses ?

 "Pour faire naître en moi un sentiment de culpabilité"

Pourquoi Rome tenait-elle tant à ce que votre mariage soit tenu secret ?

C'est la question que je lui ai posée. "Mais songez donc, m'a-t-il répondu cyniquement, il ne faut pas que les prêtres le sachent sinon ce serait la ruée". Dès le début, j'avais compris le but poursuivi par Rome. Il était indispensable que les prêtres ignorent l'existence des dispenses accordées au compte-gouttes à ceux qui paraissaient offrir des garanties de discrétion. L'autorité comptait sur leur soumission et aussi sur la peur du discrédit dont ils seraient l'objet de la part des fidèles. 

Avec une certaine honnêteté, le Vatican reconnaissait la défectuosité de la formation donnée dans les séminaires où les candidats à la prêtrise subissent un lavage de cerveau d'autant plus efficace qu'il est réalisé avec une remarquable  finesse, d'ailleurs avec le consentement inconscient des sujets. 

La sagesse aurait dû conduire depuis longtemps à l'abrogation d'une loi aberrante qu'on savait contraire au droit naturel. Mais quelle explication l'autorité religieuse aurait-elle donnée au peuple chrétien ? Qu'elle s'était trompée depuis plus de huit siècles ? Qu'elle avait établi une loi contraire à la loi morale divine ? Croyez-vous possible que l'institution cléricale soit capable de reconnaître ses erreurs ? Ne perdrait-elle pas d'un coup toute sa crédibilité ?

J'ai lu votre livre "Les prêtres mariés" écrit avec la collaboration d'un journaliste, publié en 1969. Vous y parlez d'un serment qu'on aurait exigé de vous ? 

J'allais y venir. Ce triste fonctionnaire m'a dit "Ce n'est pas fini. Il vous faut maintenant prêter serment." 

Pour l'institution ecclésiastique, le serment est l'arme absolue pour s'assurer de la soumission totale d'un individu.

Les évêques doivent prêter serment d'obéissance inconditionnelle au pape. Les supérieurs de séminaires ou des ordres religieux, les enseignants, les théologiens, tous doivent prêter serment de fidélité à la pensée unique du chef. La moindre déviation est sanctionnée par l'exclusion ou même par l'excommunication si le sujet persiste dans ses idées jugées déviationnistes.

On voulait donc m'imposer le silence par un serment. J'ai réfléchi longuement. Un serment n'a de valeur que s'il est libre. 

Je demandais donc "Si je refuse, que se passera-t-il ? "

Il me répondit : "La dispense ne vous sera pas accordée"

Ce n'était ni plus ni moins qu' un odieux marchandage. L'institution reconnaissait mon droit au mariage mais entendait que je l'achète de mon silence. Ces ecclésiastiques romains, englués dans leur juridisme pharisaïque, oubliaient qu'ils avaient affaire à un prêtre connaissant la doctrine morale enseignée par les grands théologiens du XIIIème siècle à nos jours, en particulier par saint Thomas d'Aquin. Celui-ci écrit dans sa Somme Théologique que si quelqu'un estime en conscience qu'il doit désobéir au pape, il doit écouter la voix de sa conscience et donc désobéir.

Qu'est-ce que la conscience ?

Les théologiens enseignent que la conscience est le jugement qu'une personne porte sur la moralité de ses actes. Quelques années après le concile Vatican II, tous les théologiens réunis à Assise ont rappelé la primauté absolue de la conscience sur la loi. Or, pendant des siècles, l'institution cléricale a enseigné que la conscience devait se soumettre à ses lois comme étant l'expression de la volonté divine. Elle s'abstenait de dire que la conscience est la norme suprême de la moralité. Ainsi, par exemple : une femme enceinte à la suite d'un viol dont elle a été l'objet ; si elle estime en conscience devoir se faire avorter, elle n'a pas à tenir compte des directives pontificales selon lesquelles elle doit conserver l'enfant qui lui a été imposé par la violence.

Revenons au serment. Il m'est apparu que la contrainte morale exercée sur ma conscience enlevait toute valeur à un serment exigé en contre-partie de la reconnaissance de mon droit strict et "inaliénable" au mariage. Dès lors je le considérais comme une formalité dépourvue de valeur. Je prononçai donc des mots sans me sentir engagé devant Dieu. 

Les juristes romains, ces nouveaux pharisiens, n'ont pas encore compris qu'il y a souvent un abîme entre le droit et la morale. C'est à leur intention que Jésus-Christ s'est exprimé en termes cinglants en les traitant de races de vipères et de sépulcres blanchis.

N'êtes-vous pas un peu trop dur à l'égard de ces ecclésiastiques romains ?

Ecoutez ce qu'écrivait le grand théologiens anglais, Charles Davis, avant sa rupture avec l'institution cléricale en 1968. "Des motifs de convenance et surtout la préservation de l'autorité semblent toujours dominer... Le manque de souci pour la vérité, avec la subordination de celle-ci à l'autorité et à la conservation du système, s'étend à toute l'institution... L'Eglise institutionnelle est constamment en train d'écraser et de blesser les personnes. Pour moi, elle est devenue un vaste système impersonnel, inhumain et dépourvu de liberté... Il est certain qu'on devrait analyser l'état pathologique de l'Eglise actuelle. L'Eglise officielle est tenaillée par la peur, l'insécurité et l'anxiété, ce qui mène à l'intolérance et à un manque d'amour."

Que de théologiens pensent comme lui, mais il faut beaucoup de courage pour le dire, vertu peu pratiquée par la gente ecclésiastique.

Depuis le début de notre entretien, il y a une question qui trotte dans ma tête. Quand vous avez pris la décision de demander la dispense du célibat, étiez-vous dans le même état d'esprit à l'égard de l'institution qu'au sortir du séminaire ?

Certainement pas. Très tôt, dans mes premières années de ministère, je me suis enhardi à lire des ouvrages "interdits". Ils ont contribué à la découverte d'une Eglise très différente de celle qu'on m'avait, qu'on nous avait présentée au séminaire, une Eglise "sans ride ni tache"

Alexandre VI (1492 - 1503) vu par un humoriste français père de 3 enfants, eut  pour maitresse la belle Guilia Farnèse, épouse d'Orsino OrsiniDe l'histoire de l'Eglise-institution, il y a deux versions ; l'une, officielle, falsifiée, pour l'édification du peuple chrétien ; l'autre, tenue bien cachée, de crainte qu'elle ne sème le doute ou le trouble dans l'esprit des fidèles un peu curieux et n'entraîne la perte de confiance, et, chose plus grave, la perte de la foi.

Evidemment j'ai été indigné par tous les mensonges destinés à la dissimulation de la vérité sur la sainte institution cléricale et sur l'histoire "édifiante" de la papauté, jalonnée de turpitudes, de perfidies, de cruautés, de crimes monstrueux permettant à Joseph de Maîstre d'écrire, au sujet des papes qui se succédèrent pendant près d'un siècle qu'ils furent des "monstres de scélératesse". Que dire de la vanité scandaleuse d'un Innocent III, de la soif de richesses ou de la volonté de domination que révèle la bulle Unam Sanctam de Boniface VIII (1302) "Nous disons, déclarons, définissons et proclamons que c'est une nécessité absolue pour toute créature qui veut sauver son âme de se soumettre au pontife romain"

Dans les séminaires, la lecture des livres à l'index était formellement interdite sous peine de péché grave car ils étaient censés écrits par des ennemis jurés de l'Eglise. Il importait de préserver nos âmes innocentes des miasmes perfides de la vérité historique.

Une histoire vraie et édifiante 

Pour illustrer la politique permanente d'étouffement de la vérité par une institution dont la préoccupation essentielle est de donner au monde l'apparence d'une grande rigueur morale, je laisse l'historien Félix Sartiaux nous faire le récit d'événements qui se sont produits au début du XXème siècle. Ce récit se trouve dans la préface du livre de l'abbé Houtin, "Courte histoire du célibat ecclésiastique", paru en 1929, aux éditions Rieder. Il est savoureux.

"Quand l'abbé Houtin se fut aperçu que les manquements des clercs à leurs engagements étaient moins exceptionnels qu'on avait voulu le lui faire croire, il en fut déçu, froissé. Mais n'ayant le goût ni du scandale ni de l'indiscrétion, il garda pour lui sa désillusion. Des circonstances le firent sortir de sa réserve.

Il lui vint entre les mains, en 1906, des preuves irréfutables que des prêtres ayant vécu dans la communauté de l'Oratoire étaient proposés par l'institution cléricale en modèle de vie sacerdotale : un Gratry, (1805-1872), un Perreyve (1831-1865),un Charles Perraud (1831-1892) avait eu à l'égard du célibat une conduite très différente de celle qu'ils avaient laissé paraître et que l'apologétique leur prêtait. Graty et Perreyve avaient éprouvé une vive et profonde passion, qui modifiait l'image qu'on présentait d'eux ; Perraud avait non seulement condamné avec véhémence dans le privé une discipline qu'il approuvait en public, mais il avait vécu 15 ans(1872-1887) avec une de ses pénitentes dont il s'était épris plusieurs années auparavant ; il avait lui-même procédé à la bénédiction de cette union.

Ce ne furent pas ces défaillances qui déterminèrent Houtin à rompre son silence.Il s'agissait pour lui d'autre chose. Il connaissait bien des prêtres défaillants ; il n'en avait jamais parlé <parce qu'on ne s'était jamais servi d'eux pour écrire des histoires mensongères et qu'on n' avait pas abusé de leur mémoire pour tromper les simples>. L'Eglise avait travesti , dans un but d'apologétique et de propagande, la vie de ces Oratoriens, en composant de fausses biographies, qu'elle faisait lire dans les séminaires et les noviciats ; elle les représentait aux aspirants à la vie sacerdotale comme des modèles dont ils devaient s'inspirer. Au lieu de leur ouvrir les yeux, de les mettre en garde contre les difficultés qu'ils allaient affronter, elle usait de ces exemples pour tromper les jeunes gens, exploiter leur crédulité, les induire à des engagements qu'ils risquaient de ne pouvoir tenir plus tard. Ce n'était pas les manquements au célibat qu'il voulait dénoncer, mais cette fausseté, cette tromperie.

La polémique qui suivit élargit à ses yeux le débat. Aucun des personnages ecclésiastiques auxquels il avait montré ses preuves n'en avait contesté la véracité. Mais lorsqu'ils apprirent que Houtin allait publier la vie véritable du frère du cardinal Perraud, une tempête s'éleva parmi les apologistes ; des Pères de l'Oratoire, des évêques, mirent tout en oeuvre pour l'empêcher d'exécuter son dessein. L'évêque d'Autun, Monseigneur Villard lui offrit de l'indemniser s'il supprimait son écrit ; l'évêque de Nevers, Monseigneur Gauthey, le menaça de poursuites. Quand le petit livre : < Un prêtre marié, Charles Perraud, chanoine honoraire d'Autun >, parut chez l'auteur en 1908, les plus sages cherchèrent à l'ensevelir sous la conspiration du silence. Quelques autres le dénoncèrent comme une entreprise de scandale. Les Oratoriens, pour le réfuter, publièrent une brochure où ils dénaturaient les faits, représentant Houtin comme un calomniateur et le P. Hyacinte Loyson, qui avait fourni la plupart des documents comme un faussaire.

Houtin mit d'abord simplement et loyalement, dans le privé, ses documents à leur disposition. Ils s'obstinèrent. L'évêque de Nice, Mgr Chapon se lança à corps perdu dans la plus ridicule polémique. L'un des Pères les plus notoires de l'Oratoire, Alfred Baudrillart, Vicaire général, Recteur de l'Institut catholique de Paris, Prélat de la Maison de sa Sainteté, plus tard archevêque <in partibus> et académicien (il est devenu ensuite cardinal) ne se contenta pas d'épiloguer, d'esquiver les faits, il offensa l'auteur, lança des insinuations contre sa vie privée. Les catholiques libéraux se mirent de la partie avec non moins d'acharnement.

Houtin, sûr de lui, tourna contre ces assauts l'infrangible attitude dont il ne s'est jamais départi : historien, il leur opposa la méthode de l'histoire. Dédaignant les attaques, les arguments étrangers à la cause, les passions, il répondit froidement en publiant les documents, en livrant à la publicité des lettres qui établissaient les contradictions et la duplicité de ses adversaires. Et, quand l'orage se fut apaisé, fidèle à sa méthode, il publia tranquillement un gros volume de 400 pages : <Autour d'un prêtre marié, histoire d'une polémique>, 1910, où il se contentait de placer sous les yeux des lecteurs toutes les pièces du procès. Dans l'introduction, il philosophait ainsi sur ces événements:

"A des esprits superficiels et mal renseignés, cette polémique ne semblera qu'un simple fait divers. Mais tous ceux qui savent l'histoire y verront en raccourci l'Eglise toute entière dans son passé et son présent dogmatiques, disciplinaires et politiques... La pratique continue, irrésistible, irréformable... En réunissant ici les pièces qui permettent de saisir d'éminents ecclésiastiques, nos contemporains, dans  le détail de la préparation et de la défense d'un pieux mensonge, j'exhibe un anneau  ajouté sous nos yeux à une chaîne séculaire." 

Je comprends que vous soyez indigné comme je le suis moi-même en face de telles méthodes.

L'étouffement de vérités gênantes a toujours été le procédé favori de l'institution. En 1964, deux mois après la nouvelle de mon mariage, un supérieur de grand séminaire ignorait l'existence des dispenses accordées par Rome. Il ne devait lire que des journaux catholiques comme La Croix. Il a fallu qu'un séminariste déluré lui mette des journaux non alignés sous les yeux pour y croire. Il n'y a donc rien d'étonnant à ce que le peuple chrétien soit déconcerté lorsqu'il se trouve devant des cas insolites, étant donné l'ignorance dans laquelle l'institution prend soin de le tenir. Pour votre édification, voici les conseils donnés par les cardinaux au pape Jules II lors de son élection en 1550 (bibliothèque de Paris-feuille 1089-volume II 641-650-ref.fonds latin N° 12558-année 1550)

"La lecture de l'Evangile ne doit être permise que le moins possible, surtout en langue moderne et dans les pays soumis à votre autorité. Le très peu qui est généralement lu à la messe devrait suffire et il faudrait interdire à quiconque d'en lire plus. Tant que le peuple se contentera de ce peu, vos intérêts prospèreront, mais, dès l'instant qu'on voudra en lire plus, vos intérêts commenceront à en souffrir. Voilà le livre qui, plus qu'aucun autre, provoquera contre nous les rébellions, les tempêtes qui ont risqué de nous perdre. En effet, quiconque examine diligemment l'enseignement de la Bible et le compare à ce qui se passe dans nos églises trouvera bien vite les contradictions, verra que nos enseignements s'écartent souvent de celui de la Bible et plus souvent s'opposent à celle-ci. Si le peuple se rend compte de ceci, il nous provoquera jusqu'à ce que tout soit révélé, alors, nous deviendrons l'objet de la dérision et de la haine universelle. Il est donc nécessaire que la Bible soit enlevée et dérobée des mains du peuple avec zèle, toutefois sans provoquer de tumulte."

Une telle duplicité est inconcevable. J'en suis toute renversée.

Il y a peu de temps que j'ai eu connaissance de ce document mettant en évidence le comportement sciemment mauvais et fourbe de l'institution cléricale et aussi son cynisme. Connaissant un peu l'histoire de la papauté , je n'ai pas été surpris . Mais combien de chrétiens la connaissent ? D'ailleurs où la trouveraient-ils ? Pour les historiens catholiques, sa publication relèverait d'une mission impossible en raison des obstacles à franchir, l'obtention du Nihil Obstat et de l'Imprimatur. Ils seraient obligés de taire une somme considérable de faits authentiques. Quant aux historiens indépendants, ils ne tiennent pas à s'aventurer sur une voie périlleuse  qui conduirait à un affrontement avec une institution encore influente.

Dans le climat séculaire de dissimulation, de fourberies et de mensonges, que faire en présence de ces nouveaux prêtres mariés, sans fonction, en règle avec l'Eglise-institutionnelle ? Quelles explications donner aux fidèles ? Jusqu'alors ceux qui partaient pour se marier civilement étaient tenus, selon la terminologie de l'époque, aujourd'hui obsolète et injurieuse, pour des "défroqués", des "renégats", des "prêtres indignes". L'institution avait tout fait pour qu'ils soient regardés comme des "déserteurs". Mais pourquoi se donner la peine de fournir des explications au peuple chrétien alors qu'il est si simple de continuer à marquer sa réprobation par l'exclusion ?

Cela ne me paraît pas une attitude évangélique.

L'Eglise cléricale ne connaît pas l'Evangile. Elle ne connaît que le Droit Canon, c'est à dire ses propres lois qu'elle substitue à la loi d'amour de Jésus-Christ.

Quelle a été la réaction des gens en apprenant le mariage d'un prêtre ?

Dans l'ensemble, elle a été très favorable, conformément au sondage effectué en 1968 par la SOFRES et publié dans l'hebdomadaire catholique "Le pèlerin du XXème siècle" révélant que 70% des français était en faveur du mariage des prêtres. Je ne serais pas surpris que le pourcentage atteigne aujourd'hui 95%, sinon plus.

C'est dans le clergé que la réaction a été défavorable, apparemment, car il s'est senti atteint dans son honneur et sa réputation. Un psychologue m'avait prévenu de ses réactions négatives, voire hostiles :

"Si vous parlez, m'avait-il dit, l'Eglise institutionnelle se défendra comme n'importe quelle société dont un membre s'écarte de ses règles. Le clergé forme un corps constitué, une caste. On fait partie du clergé comme on fait partie de la magistrature, de la police, de l'armée... Votre cas fera revenir à la surface des conflits que les phénomènes de refoulement avaient enfouis au plus profond d'eux-mêmes. Incapables de résoudre leurs problèmes personnels, les prêtres vous rejetteront comme élément de trouble et d'inquiétude. La hiérarchie s'efforcera de faire le vide autour de vous. Beaucoup de catholiques dont on connaît la soumission aligneront leur attitude sur celle de la hiérarchie même si intérieurement ils la désapprouvent.

Les événements ont-ils donné raison à ce psychologue ?

Assurément. Voici un exemple. Un jour, j'ai rencontré un confrère qui a refusé la main amicale que je lui tendais "Je ne salue pas les gens comme toi, sur un ton dédaigneux, presque haineux, tu nous as fait trop de mal." Oh, ce "nous"

Mais le ciel est souvent très malicieux. Quelque temps après, deux des plus farouches détracteurs de notre mariage, deux hauts dignitaires ecclésiastiques, décédèrent dans des circonstances jugées fort troublantes par la presse; l'un dans un bordel, l'autre tombé d'une falaise au bord de laquelle il se trouvait seul avec sa secrétaire. Evidemment la presse catholique s'efforça de donner de ces deux affaires une relation succincte, gênée et même ridicule. On peut citer aussi d'autres cas récents, d'évêques, par exemple, dont la presse a révélé la paternité. 

En définitive, vous étiez mal à l'aise dans cette institution cléricale dont le comportement vous apparaissait à l'antipode de l'Evangile. Mais vous ne m'avez toujours pas dit quel fut le facteur déterminant de votre décision.

J'y arrive. Je m'étais abonné à des revues traitant de psychanalyse, méthode d'investigation du subconscient , très mal vue des autorités ecclésiastiques. Grâce à ces lectures je me suis mis à réfléchir sur mon enfance et peu à peu j'ai découvert que la vocation m'avait été inoculée insidieusement par ma mère avec le concours d'un milieu familial très clérical, comme c'est le cas du plus grand nombre de prêtres. Je traversais alors une période douloureuse en raison des résistances que j'opposais à la vérité sur moi-même. Dans le même temps, j'avais fait la connaissance d'une jeune femme au chevet de sa mère atteinte d'une maladie incurable qui devait l'emporter quelques mois plus tard. C'est au cours d'un séjour en montagne chez des amis communs que nous avons découvert la réciprocité de notre amour. Il est impossible de décrire notre désarroi, car nous étions en face d'un amour interdit.

C'est alors que l'idée m'est venue peu à peu de faire valoir l'absence de liberté dans mon engagement au célibat, de façon détournée, car ce motif n'aurait certainement pas été accepté. Pour l'institution, tout engagement est considéré entièrement libre, même sous la contrainte de la loi.

Finalement, c'est l'amour qui a été l'élément déterminant de l'introduction de votre cause à Rome pour obtenir la dispense du célibat ?

Exactement. J'ajoute que c'est l'amour qui m'a donné le courage nécessaire pour affronter l'appareil ecclésiastique. Sans l'amour, je serais peut-être resté par intérêt et sécurité  "un fonctionnaire de Dieu" selon l'excellent titre de l'ouvrage du théologien allemand, Eugen Drewermann. 

Je suppose que vous avez rencontré des difficultés pour l'obtention de cette fameuse dispense ?

Certes. Toutefois je fais partie des chanceux puisque la procédure n'a duré que deux ans, et chose inexplicable, j'avais la certitude que j'obtiendrais gain de cause. Pour certains, je l'ai appris plus tard, la procédure a duré 5 ans, voire 10 et plus. Cette chance n'est pas due tout à fait au hasard, mais j'y reviendrai plus loin.

La première difficulté est venue de mon évêque, car c'est par lui que je devais passer pour l'introduction de ma cause à Rome où sont prises toutes les décisions. Malgré le temps écoulé, je me rappelle le premier entretien tendu qui s'est déroulé dans son bureau. Je n'y suis pas allé par quatre chemins. Je lui ai déclaré tout de go "Monseigneur, je viens vous annoncer que j'ai pris la grave décision de me marier. Croyez qu'il s'agit d'une décision longuement mûrie. Elle est irrévocable. Je vous prie donc de bien vouloir introduire ma cause à Rome afin de m'obtenir la dispense du célibat."

Imaginez la scène. Il demeura un long moment silencieux, assis devant son bureau, immobile, pétrifié. Il parvint à me dire d'une voix tremblante d'émotion " ce que vous me demandez là est impossible. Jamais l'Eglise n'a autorisé un prêtre à se marier". J'ai appris plus tard qu'il avait menti.

"Il y a un commencement à tout"

Il était décontenancé par mon assurance . "C'est impossible, répétait-il, impossible. Tout au plus pourrez-vous obtenir la réduction à l'état laïc, ce qui signifie prêtre sans pouvoir comme un simple laïc, mais vous ne serez pas plus avancé. Celle-ci, comme vous le savez, n'implique pas l'autorisation du mariage."

Comme je m'y attendais, il chercha à me dissuader de mettre mon projet à exécution, en se livrant à de hautes considérations spirituelles et mystiques sur la grandeur du sacerdoce et la valeur du célibat. Je l'écoutai poliment et quand il eut fini, je me mis à réfuter un à un ses arguments, tous destinés à justifier l'obligation du célibat. 

"Il me semble, ajoutai-je, que vous avez omis de mentionner le motif qui a présidé à l'élaboration de la loi et à sa fixation définitive au XIIème siècle."

Son visage se fit interrogatif. Sa surprise était-elle  sincère ou était-elle feinte ?

"Vous n'ignorez certainement pas que le concile du Latran, en 1139, a interdit le mariage aux clercs dans le seul but de les préserver de la souillure morale engendrée par l'exercice de la sexualité, source de jouissance impure "afin, est-il écrit, que la pureté se répande dans le clergé " Canon 7. La pureté, répétai-je, la pureté. Il faut en déduire que le mariage est impur. Il y a donc dans l'Eglise deux catégories de gens ; les parfaits, les membres du clergé, qui doivent s'abstenir des  avilissants plaisirs de la chair, et les autres, les imparfaits, les laïcs, qui ne peuvent s'en passer."

Je le voyais pensif. Je poursuivis :

"Il est évident pour moi que l'Eglise-institutionnelle a outrepassé son pouvoir en obligeant ceux qui pensent répondre à l'appel de Dieu par l'acceptation de la prêtrise, en les contraignant, dis-je, à choisir entre sacerdoce et mariage au lieu de leur donner le choix entre mariage et célibat. Mais il y a plus grave encore. Ne vous êtes-vous jamais posé la question de savoir si la loi du célibat, la loi, je précise, et non le célibat, n'est pas radicalement contraire à la loi naturelle, telle que l'Eglise l'a toujours conçue ? Ne serait-elle pas alors immorale ? " 

En entendant ce dernier mot, il se redressa "Vous allez trop loin. Vous remettez en question l'autorité de l'Eglise."

"Non, répliquai-je, pas celle de l'Eglise mais celle de l'institution ecclésiastique."

"Mais l'Eglise et l'institution , c'est la même chose" reprit-il.

"Pour vous, oui, pour moi, non. Tout au long des siècles celle-ci a utilisé son autorité spirituelle pour accréditer auprès du peuple chrétien, confiant et crédule, l'idée qu'elle tient de Dieu tout pouvoir, même celui de déroger à la loi divine sans provoquer de grandes protestations en raison de la crainte qu'elle inspirait en brandissant l'arme redoutée  de l'excommunication, par exemple."

"Vos propos acerbes à l'égard de l'Eglise révèlent un état d'esprit critique qui m'inquiète. Dans ces conditions, je pense que votre place n'est plus dans le clergé. Je vais donc faire en sorte que la dispense du célibat vous soit accordée accompagnée de la réduction à l'état laïc. Mais je suis très embarrassé ne sachant quel motif invoquer"

Faites valoir, lui dis-je, une certaine immaturité au moment de mon engagement. Si cette raison est insuffisante ou irrecevable, je vous autorise à me faire passer pour un individu atteint d'un certain déséquilibre mental" 

Ces dernières paroles eurent le don de le dérider "Ah non, s'exclama-t-il, là vous m'en demandez trop." Et soudain " Et  si Rome refuse ?"

"Alors nous nous marierons civilement. Mais au regard de Dieu, excusez cet anthropomorphisme, nous sommes déjà mariés. Comme vous le savez, c'est le consentement mutuel qui crée le lien du mariage et non le prêtre dont la présence n'est devenue obligatoire pour la validité du sacrement qu'au cours du concile de Trente au XVIème siècle. D'ailleurs  ce n'est que par trois voix de majorité que le décret a été adopté pour pallier quelques abus ; tous les évêques opposants ont protesté en objectant que cette nouvelle pratique était contraire au droit naturel. Là encore l'institution a outrepassé son pouvoir."

Il m'apparut que mon évêque ignorait ce point d'histoire qui constitue une preuve supplémentaire de l'empiètement du juridisme romain sur le droit naturel. 

Il se leva pour me signifier que l'entretien était terminé. Tout en me levant à mon tour je l'informai que mon épouse m'avait accompagné et se tenait dans le petit salon d'attente. Il me tendit une main bienveillante. Il vit ma femme assise . Il ne lui adressa pas la parole. 

Votre évêque a-t-il tenu parole ? A-t-il introduit votre cause à Rome ?

"Oui, il a tenu parole." Mais il était au courant des procédés employés par le Saint Office : faire durer la procédure le plus longtemps possible pour décourager les requérants, les faire examiner par des psychiatres et des psychanalystes.

Pourquoi des psychiatres et des psychanalystes ?  

"C'est facile à comprendre. Pour justifier la dispense du célibat, il importait aux autorités ecclésiastiques que les sujets désirant se marier passent pour des malades mentaux ou des obsédés sexuels envers lesquels il est bon de faire preuve d'une charitable condescendance."

Ce que vous me dites est stupéfiant. On vous a contraint à des examens psychiatriques?

Bien sûr. Fort heureusement, j'ai eu affaire à des hommes qui connaissaient les méthodes de l'institution et le but qu'elle poursuivait. Je me rappelle surtout le premier, un psychiatre, avec lequel j'ai eu deux courts entretiens. Il lui a fallu peu de temps pour comprendre ma situation. J'ai le souvenir précis de ses paroles depuis plus de quarante ans. "Vous êtes, comme beaucoup d'autres, victime du système de l'Eglise qui impose le célibat. J'ai ici, à moi seul, quelque 500 dossiers de prêtres, de religieux et de religieuses qui ne parviennent pas à résoudre leurs conflits. Ils vivent dans l'angoisse. Je souhaiterais qu'ils aient une prise de conscience aussi vive que vous de leur état. Vous avez fait vous-même en quelque sorte votre propre psychanalyse, car vous vous êtes livré à un travail de réflexion sur vous-même surprenant et rare dans le clergé."

Les deux autres, un psychanalyste et un médecin spécialisé dans les maladies psycho-somatiques me tinrent à peu près le même langage . Mais les trois me parlèrent de leur embarras pour rédiger un rapport favorable sans réveiller chez les examinateurs ecclésiastiques leurs propres frustrations afin qu'ils ne soient pas tentés de rejeter ma demande par dépit de ne pouvoir obtenir la même dispense."

 On se croirait revenu au temps de l'Inquisition.

 "Depuis que j'ai parlé en 1964, ces méthodes inquisitoriales ont disparu. Mais l'Inquisition subsiste. Elle est plus tortueuse, plus cachée et finalement plus redoutable. Les théologiens en savent quelque chose ; ils la craignent. Dans l'Eglise romaine, c'est la peur qui règne du haut en bas de l'échelle. C'est sur la peur que l'institution cléricale assoit son autorité.

 Avez-vous attendu longtemps la réponse de Rome ?

 "Le temps est une notion subjective. L'attente fut pénible malgré la conviction inexplicable que j'obtiendrais gain de cause. Survint un événement important, l'élection de Paul VI après le décès de Jean XXIII. J'appris qu'il avait gardé auprès de lui le secrétaire particulier de son prédécesseur. Ma femme me suggéra d'écrire à Paul VI en faisant passer ma lettre par son secrétaire. Celui-ci, probablement touché par ma requête, plaça mon dossier au-dessus de ceux qui étaient en attente. Parallèlement, j'informai mon évêque que la date du mariage civil était fixée au 16 Mai. Dès lors tout alla très vite. Il est probable que mon évêque, ne voulant pas d'un mariage seulement civil, intervint auprès de Paul VI afin qu'une décision soit prise rapidement. 

Un mois après, je fus invité à venir à l'évêché où eut lieu l'entretien rapporté précédemment. Ma femme fut aussi invitée à s'y rendre. On lui demanda seulement d'observer la discrétion sur son mariage avec un prêtre. Elle eut la candeur de demander que le mariage soit célébré dans la chapelle de l'évêché. "Vous ne croyez tout de même pas qu'on va vous faire des cérémonies" lui répondit sèchement l'official.

 Comment s'est déroulé le mariage ? Où a-il été célébré ?

 Après le mariage civil célébré le matin à la mairie de Gagny, nous partîmes pour Versailles. L'official nous attendait dans un petit bureau. Une odeur de tabac flottait dans l'air et nous dûmes échanger nos promesses devant un cendrier rempli de mégots. Ce cadre froid, sans âme, était à la mesure de l'estime qu'on nous portait. La pompeuse cérémonie n'a duré que cinq minutes. Au moment de partir, l'official m'informa que l'évêque me dispensait du secret en faveur de ma mère. Je lui répondis : "Vous pourrez lui dire que c'est trop tard. Je n'ai pas attendu son autorisation pour mettre ma mère au courant des infâmes procédés de votre institution dont j'ai la satisfaction de ne plus faire partie."

 Le soir, sur la route du retour, l'un près de l'autre dans l'auto que je conduisais, nos pensées se rejoignaient dans une communion silencieuse. La douceur d'une nuit printanière s'harmonisait avec la joie paisible qui nous envahissait. Nous étions arrivés au terme d'un long chemin jalonné de luttes et d'espoir. Quatorze années s'étaient écoulées entre le jour de notre première rencontre et celui de notre union officielle. Je regardais Viviane avec une admiration attendrie. Je la sentais forte, courageuse, prête à affronter de nouveaux combats. Elle connaissait et approuvait ma détermination de rendre public ce que l'institution voulait tenir secret. Ainsi, la révélation de notre mariage permettrait à d'autres de se libérer des chaînes qui les tenaient captifs. 

Quelle a été la réaction de l'épiscopat après la révélation de votre mariage dans Le Monde ?

 L'épiscopat a été surpris, sans aucun doute. Le communiqué de l'évêché de Versailles parut dans le Figaro, dès le lendemain 6 Septembre, reflétait une certaine irritation. "L'évêché de Versailles, pouvait-on lire, mis en cause par un article d'un journal parisien du soir, regrette qu'une publicité ait été donnée à une affaire purement personnelle dont on affirme qu'elle était couverte par un engagement de silence rigoureux."

En quoi l'évêché était-il mis en cause ?

Le 8 Septembre Le Monde répliqua à ce communiqué ridicule : "Ce communiqué vise l'information publiée dans Le Monde du 5 Septembre. Celle-ci marquait une évolution trop intéressante de l'esprit et de la vie de l'Eglise romaine pour être passée sous silence. Elle était du domaine public du moment où le principal intéressé en décidait ainsi..."

Plus intéressant est le communiqué émanant dès le 6 Septembre de l'organe officiel du Vatican, l'Observatore Romano : "A propos de l'ecclésiastique français réduit à l'état laïc qui a reçu du Saint Office l'autorisation de se marier, on rappelle, dans les milieux ecclésiastiques, qu'une telle procédure n'a rien d'exceptionnel, étant donné que le célibat n'est pas une prescription d'institution divine. On ajoute, dans ces mêmes milieux, que cette procédure a été adoptée moins rarement que dans le passé."

Très intéressant, en effet, ce communiqué. Il reconnaît qu'avant vous, dans le passé, des prêtres avaient été autorisés à se marier. Vous n'étiez donc pas le premier mais vous étiez le premier à parler. Vous avez ainsi mis l'autorité dans l'obligation  de se démasquer. Pourquoi l'évêché de Versailles a-t-il insisté sur le secret à garder ? Pourquoi le Vatican n'avait-il jamais révélé ces mariages autorisés secrètement ?

La raison est facile à comprendre. Rome savait que la connaissance de telles autorisations entraînerait une hémorragie dans les rangs du clergé.

La révélation de votre mariage a-t-elle eu un grand retentissement ? L'hémorragie redoutée s'est-elle produite ?

Certes, la nouvelle s'est répandue dans le monde catholique, et même au delà, comme une traînée de poudre. Dans les mois et les années qui ont suivi, Rome a été assaillie de demandes de prêtres désireux de recouvrer leur liberté. J'ai entendu parler de plusieurs dizaines de milliers, mais on ne connaîtra jamais le chiffre exact. L'institution ressemble à une secte secrète, elle ne pratique pas la transparence. Il faut y ajouter tous ceux, peut-être plus nombreux, qui n'ont pas demandé l'autorisation. 

A partir de là, nous avons commencé à recevoir des lettres de tous les pays, surtout des pays francophones pour nous remercier d'avoir parlé. Pendant cinq ans, nous avons été assaillis par les journalistes en raison de la parution du livre "Les prêtres mariés" en 1969, où, entre autres, je me suis livré à une critique acerbe de l'encyclique de Paul VI sur le célibat sacerdotal , un tissu de contre-vérités et d'inepties."

Mise à part votre réaction, cette encyclique a-t-elle suscité des commentaires défavorables de la part de théologiens.

Assurément. C'est en Hollande qu'elle a été le plus mal accueillie, traitée de "mauvais document", de "document inhumain" , de "gaffe pastorale". Parmi les théologiens qui se sont exprimés à propos de cette encyclique, je citerai seulement l'un d'eux, Hans Kung, enseignant à la célèbre Université de Tubingen en Allemagne. Il écrivit alors :

"Il n'y aura pas de calme dans l'Eglise catholique tant que le célibat ne sera pas remis, comme à l'origine, à la décision libre et individuelle, et tant que la loi canonique du célibat, introduite dans des circonstances fort problématiques, ne sera pas annulée. A notre époque post-conciliaire, dans l'Eglise catholique, aussi bien chez les clercs que chez les laïcs, l'idée s'impose de plus en plus que cet empiètement singulièrement radical sur les droits de l'homme ne va pas seulement à l'encontre de l'ordre libéral qui est à l'origine de l'Eglise, mais aussi de la conception que nous avons aujourd'hui de la liberté de l'individu."

Avez-vous aussi reçu des lettres de femmes ? 

Vous faites bien de me poser cette question car vous me donnez l'occasion de parler des femmes de prêtres , ces méprisées de l'institution. Méprisées pour avoir répondu à l'amour d'un homme, en partageant sa souffrance et son exclusion de la communauté chrétienne avec un courage et une résignation souvent dignes d'admiration, elles demeurent les "exilées" d'une institution profondément misogyne à un double titre , comme femme et comme épouse d'un homme-prêtre. Voici la lettre la plus bouleversante que ma femme a reçue de l'une d'elles. Cette lettre avait traversé l'Océan avec cette simple adresse : M.W. Evêché de Versailles, France. Elle était arrivée à notre domicile à Gagny, directement.

Une lettre bouleversante

Chère madame, 

J'avais vingt six ans quand j'ai connu un prêtre. Nous avons mis trente ans pour obtenir la dispense du Vatican. Nos coeurs étaient brisés, nos forces épuisées. Le dernier espoir fut d'aller dans un pays d'Amérique latine où l'on disait qu'il était plus facile de faire des demandes. Nous écrivîmes au pape Jean XXIII. La lutte fut trop âpre.

Quand tout fut prêt, quand le prêtre que j'aimais attendais des nouvelles pour partir à Rome (il vivait à l'intérieur du pays, moi à C...) Une lettre m'a jointe. Je l'ai ouverte avec anxiété mais une calligraphie tremblante me disait " sois encore héroïque, n'accours pas à mon lit de mort parce que ta présence serait un scandale."

C'était son dernier adieu. La lettre avait été ouverte par les soeurs qui l'assistèrent. Elle avait été écrite peu d'instants avant sa mort et le l'ai reçue dix jours après.

Aucun réconfort, pas même celui de pleurer sur sa tombe, puisque ma présence pourrait être un scandale. Seule, vieille et fatiguée, je puis seulement prier au pied de cet autel où il priait pour la solution de notre cas.

J"ai écrit parce que c'est un réconfort de savoir qu'au moins un cas a été résolu. Je recommande à vos prières l'âme d'un prêtre mort dans le calvaire d'un amour sans solution. Je vous remercie si vous voulez bien me répondre. Merci, Madame. Dieu vous bénisse.

Cette lettre reflète la somme de souffrances endurées par des générations d'hommes et de femmes. Elle manifeste aussi l'emprise d'une institution religieuse sur les consciences.

Mais aujourd'hui, depuis la révélation de votre mariage, la situation n'a-t-elle pas beaucoup évolué ? Les prêtres attendent-ils l'autorisation de Rome pour se marier ? 

Non, depuis, de nombreux prêtres ont fait connaître publiquement leur mariage religieux ou seulement civil. Ils ne craignent plus la réprobation des fidèles de plus en plus nombreux à critiquer l'intransigeance et l'entêtement de Jean-Paul II. Ce comportement des gens coïncide d'ailleurs avec une mutation profonde de la société, surtout après les événements de Mai 68. Cette mutation s'est traduite, notamment, par une prise de conscience plus vive du respect des droits de l'homme et par la revendication plus affirmée que par le passé du respect de la liberté individuelle.

Au regard du monde moderne, dans le contexte socioculturel actuel, le célibat obligatoire a perdu toute signification, car dans l'opinion publique, il est devenu notoire que nombre de prêtres ne l'observent pas. Le théologien , Pierre de Locht, parle lui-même de l'hypocrisie du clergé dans sa lettre du 31 Mai 1992 adressée aux signataires d'une lettre ouverte au pape Jean-Paul II. L'existence de celle-ci, communiquée à tous les média, a été passée sous un parfait silence. 

Je conclus cet entretien, chère Béatrice, en citant le théologien Karl Rahner qui résume bien ma pensée. Il écrivait en 1978 " Si cette sombre tragédie de l'histoire spirituelle de l'Eglise est si pesante, c'est parce que toujours ou du moins souvent, elle concerne des questions qui touchent à la vie des hommes, parce que ses maximes erronées qui n'eurent jamais de valeurs objectives... imposérent néanmoins aux hommes des contraintes que rien dans la liberté des Evangiles ne justifie." (Schriften zur théologie vol 13 p 9 )

 

Ikthys