SAINT BASILE LE GRAND


LES PETITES RÈGLES  

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Qu. 163  : Comment quelqu'un pourra-t-il parvenir à la charité envers le prochain ?

R. : Il craindra tout d'abord le châtiment qui menace les violateurs du commandement du Seigneur, car il a dit lui-même : "Celui qui n'obéit pas au Fils n'aura pas la vie, mais la colère de Dieu s'appesantira sur lui" (Jn 3 :36). Il désirera ensuite la vie éternelle, "car son commandement est vie éternelle" (Jn 12 :50). "Le premier et le plus grand de tous est : "Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de tout ton esprit et de toutes tes forces"; le second est semblable au premier : "Tu aimeras le prochain comme toi-même" (Mt 22 :37-39).

Il cherchera en outre à ressembler au Seigneur, qui a dit : "Je vous donne un commandement nouveau qui est de vous aimer les uns les autres comme je vous ai aimés" (Jn 13 :34). Enfin il fera le raisonnement suivant : Si notre frère nous a fait du bien, nous lui devons humainement de l'aimer, ce que font même les gentils, comme le Seigneur l'affirme dans l'Évangile : "Si vous aimez ceux qui vous aiment, quel gré vous en saura-t-on ? car les pécheurs aiment aussi ceux qui les aiment" (Lc 6 :32). Si notre frère nous a fait du mal, nous devons l'aimer non seulement parce que cela nous est commandé, mais aussi parce qu'il nous procure les plus grands avantages, si, du moins, nous avons foi dans les paroles du Seigneur : "Bienheureux, serez-vous lorsque les hommes vous haïront, vous persécuteront, diront faussement contre vous toute espèce de mal à cause de moi. Réjouissez-vous alors et soyez dans l'allégresse, parce que grande sera votre récompense dans les cieux" (Mt 5 :11-12).

Qu. 164  : Qu'est-ce que : "Ne jugez pas et vous ne serez pas jugés" ? (Lc 6 :37)

R. : Le Seigneur, tantôt a dit : "Ne jugez pas et vous ne serez pas jugés"; et tantôt a ordonné de juger selon la justice (Jn 7 :24).Il est donc évident qu'il ne nous interdit pas tout jugement et qu'il nous enseigne à faire une discrimination.

L'Apôtre nous indique clairement quand on doit juger et quand on ne le doit pas. Parlant des actions laissées libres à chacun et que ne prescrit pas l'Écriture, il dit : "Pourquoi donc juger ton frère ?" (Rom 14 :10) et : "Nous ne porterons plus aucun jugement les uns sur les autres" (Rom 14 :13). Mais en ce qui déplaît à Dieu il trouve mal de ne pas juger, et lui-même donne son jugement en disant : "Pour moi, absent de corps, mais présent en esprit, j'ai déjà jugé comme si j'étais là, celui qui a commis cette faute : Au nom de Notre Seigneur Jésus Christ, que cet homme soit livré à Satan pour la mort de la chair, afin que son âme soit sauvée au jour du Seigneur Jésus" (1 Cor 5 :3-5).

Par conséquent, dans tout ce qui est libre ou, ce qui arrive souvent, n'est pas clairement défendu, il ne faut pas juger son frère, car l'Apôtre a dit en parlant de ce qui nous échappe : "Ne jugez donc rien avant le temps de la venue du Seigneur, lequel mettra en lumière les secrets enfouis dans les ténèbres et manifestera les desseins des coeurs" (1 Cor 4 :5). Il est cependant absolument nécessaire de prendre la défense des jugements de Dieu, pour ne pas subir avec le coupable la colère de Dieu si on se tait; à moins qu'en agissant comme celui qu'on reprend, on ne perdre le droit de juger son frère, selon cette parole du Seigneur : "Enlève d'abord la poutre de ton oeil et tu verras ensuite à enlever la paille de l'oeil de ton frère" (Mt 7 :5).

Qu. 165  : Lorsqu'on s'émeut contre un frère coupable, comment reconnaître si l'on obéit à un pieux zèle ou à la colère ?

R. : Quand on éprouve à l'égard de n'importe quelle faute ce qui est écrit : "Ton zèle m'a consumé parce que mes ennemis ont oublié tes enseignements" (Ps 118 :139), alors il est évident qu'il s'agit du zèle de Dieu.

Ici encore, cependant, si l'on veut édifier, il faut se conduire avec beaucoup de prudence, car, dès que cette disposition n'existe pas dans l'âme au préalable, et n'est pas à l'origine de l'émotion, celle-ci manque de mesure et le but de piété n'est pas sauf.

Qu. 166  : Avec quels sentiments faut-il écouter quiconque nous presse d'accomplir notre devoir ?

R. : Avec l'ardeur d'un enfant qui a faim et entend sa nourrice l'appeler à recevoir sa nourriture, ou de tout homme qui prétend vivre et écoute celui qui lui en donnera le moyen, et même d'autant plus que la vie éternelle est supérieure à la vie présente, car : "Mon commandement est vie éternelle", dit le Seigneur (Jn 12 :50). Exécuter le commandement c'est manger son pain, suivant cette autre parole du Seigneur : "Ma nourriture est de faire la volonté de mon Père qui m'a envoyé" (Jn 4 :34).

Qu. 167  : Dans quelles dispositions doit être l'âme qui a été jugée digne d'être employée au service de Dieu ?

R. : Dans celles de celui qui disait : "Qui suis-je, Seigneur mon Maître ? et de quelle race, pour que vous m'ayez aimé ?" (2 Sam.7 :18) Elle doit donc faire ce qui est écrit : "Rendant grâces au Père qui nous a donné de pouvoir participer à l'héritage des saints dans la lumière, qui nous a arrachés à la puissance des ténèbres, et nous a transférés dans le royaume de son Fils bien-aimé" (Col.1 :12-13).

Qu. 168  : Dans quel esprit recevoir tout vêtement ou chaussures ?

R. : Si l'objet reçu est plus petit ou plus grand qu'il ne convient pour la taille, il faudra exposer ses besoins avec la modération nécessaire. Si on le trouve trop vil ou pas assez neuf on se souviendra de la parole du Seigneur : "Mérite sa nourriture, non pas n'importe qui, mais celui-là seul qui travaille" (Mt 10 :10). On examinera alors si l'on a travaillé d'une façon digne des ordres et des promesses du Seigneur et, par suite, loin de désirer autre chose on craindra plutôt pour ce que l'on a reçu, dans la pensée qu'on ne mérite pas tant.

En effet, ce qui a été dit à propos de la nourriture doit être considéré comme la règle pour tout ce qui regarde les nécessités du corps.

Qu. 169  : Comment devra se comporter un frère chargé d'instruire un plus âgé ?

R. : Comme accomplissant une charge reçue de son Maître, dans la crainte d'encourir la condamnation de celui qui a dit : "Maudit soit celui qui exécute avec négligence l'oeuvre du Seigneur" (Jér.48 :10), et en se gardant de tomber, par orgueil, sous la loi du démon (1 Tim3 :6).

Qu. 170  : Faut-il avoir la même considération pour celui qui se conduit mieux et pour celui qui se conduit moins bien ?

R. : Le Seigneur a donné la règle en parlant du pardon des péchés : "Beaucoup de fautes lui ont été remises parce qu'elle a beaucoup aimé; celui à qui il est moins pardonné aime moins" (Lc 7 :47), et, précisément à propos des anciens, l'Apôtre a établi "qu'on aura double respect pour les Anciens qui gouvernent bien, surtout s'ils se livrent à la prédication et à l'enseignement" (1 Tim.5 :17).

Voilà, je crois, comment il faut agir dans tous les cas de ce genre.

Qu. 171  : Que penserons-nous d'un frère moins considéré qui se voit avec peine préférer un plus avancé dans la crainte de Dieu ?

R. : Évidemment, ce frère est taxé de méchanceté par la parabole de l'Évangile, dans laquelle le Seigneur s'adresse à ceux qui s'attristent de voir d'autres recevoir autant qu'eux, et leur dit : "Votre oeil est-il méchant parce que je suis bon ?" (Mt 20 :15)

Manifeste est d'ailleurs la condamnation que le Seigneur prononce contre eux par la bouche du prophète : " Le méchant est méprisé devant lui, tandis qu'il honore ceux qui craignent le Seigneur" (Ps 14 :4).

Qu. 172  : Avec quelle crainte ou quelle confiance, ou dans quels sentiments devons-nous communier au corps et au sang du Christ ?

R. : La crainte, l'Apôtre nous l'enseigne en disant : "Celui qui mange et boit indignement, mange et boit sa propre condamnation" (1 Cor 11 :29). La confiance nous est inspirée par ces paroles du Seigneur : "Ceci est mon corps qui a été livré pour vous; faites ceci en mémoire de moi" (Lc 22 :19); de même par ces paroles de Jean qui, après avoir proclamé la gloire du Verbe, expose ainsi la façon dont il s'est incarné : "Le Verbe s'est fait chair, et il a habité parmi nous, et nous avons contemplé sa gloire, gloire qu'il possède comme Fils unique du Père, plein de grâce et de vérité" (Jn 1 :14). Enfin l'Apôtre écrit : "Bien qu'il fût Dieu lui-même, il ne s'est pas attaché comme à un butin à son égalité avec Dieu, mais il s'est anéanti en prenant la condition d'esclave, devenu semblable aux hommes et reconnu extérieurement comme un homme, il s'humilia lui-même en se faisant obéissant jusqu'à la mort et même la mort de la croix" (Phil.2 :6-8).

Lorsque, s'appuyant sur de telles et si nombreuses paroles, l'âme aura compris l'immensité de gloire et admiré l'excès d'humilité et de soumission dans Celui qui, étant ce qu'il était, obéit au Père jusqu'à mourir pour notre Rédemption, je pense qu'elle entrera dans des sentiments d'amour : amour pour Dieu le Père "qui n'a pas épargné son propre Fils, mais l'a livré pour nous" (Rom 8 :32); amour pour le Fils unique du Père, qui a été obéissant jusqu'à la mort pour notre Rédemption et notre salut. Elle pourra dès lors entendre les paroles de l'Apôtre, qui établit comme une norme de santé morale d'avoir bien conscience d'éprouver de tels sentiments, lorsqu'il dit : "La charité du Christ nous presse, estimant que, puisqu'un seul est mort pour tous, tous sont morts. Et il est mort pour tous afin que tous ceux qui vivent ne vivent plus pour eux-mêmes, mais vivent pour lui qui est mort et ressuscité pour eux" (2 Cor.5 :14-15). Voilà les dispositions et les sentiments que doit avoir celui qui communie au corps et au sang du Christ.  

Qu. 173  : Convient-il de parler à l'heure où, dans la maison, a lieu la psalmodie ?

R. : Cela ne convient pas, à moins qu'on ait la charge d'établir et de maintenir l'ordre et la bonne organisation des différents travaux, et que la nécessité le demande.

Encore ne doit-on pas parler inconsidérément, mais tenir compte du lieu, de la discipline, de la réserve qui s'impose et de l'exemple donné. Pour tous les autres le silence est de rigueur.

En effet, si, dans l'assemblée des fidèles, dès qu'un membre reçoit une révélation (1 Cor 14 :30), le silence est prescrit même au premier de ceux qui ont mission d'instruire les autres, à combien plus forte raison doit-on généralement l'observer pendant la psalmodie.

Qu. 174  : Comment exécuter les commandements du Seigneur avec ferveur et empressement ?

R. : L'expérience qu'on a d'une chose agréable et utile, et le fait même de l'attendre, engendre naturellement dans l'âme ardeur et empressement.

C'est le péché qui produit dans l'âme langueur et paresse à l'égard des commandements divins, tout comme la maladie engendre l'inappétence et le dégoût des aliments; si, donc, on rejette et on hait le mal en se purifiant du péché (Ps 118 :163), et si, d'autre part on est persuadé que les commandements de Dieu sont vie éternelle et que ses promesses se réaliseront pour ceux qui les observent, on est dans les dispositions de celui qui a dit : "Les décrets de Dieu sont vrais, justifiés en eux-mêmes, plus désirables que l'or et la pierre précieuse, plus doux que le miel et le rayon de miel; aussi bien votre serviteur les observe et pour cette observance il obtiendra une grande récompense" (Ps 18 :10-12).

Qu. 175  : Comment apparaît-il qu'on aime un frère selon l'ordre du Seigneur et, quand il n'en est pas ainsi, comment se trahit-on ?

R. : La charité a deux propriétés remarquables : elle s'attriste et s'inquiète du mal qui atteint le prochain; elle se réjouit avec lui et lutte pour son intérêt.

Bienheureux donc celui qui éprouve de la compassion pour le pécheur à cause du grand danger où il se trouve, et se complaît dans le juste, dont la récompense est, suivant l'Écriture, sans proportion.

L'Apôtre le déclare également lorsqu'il dit : "Quand un membre souffre, tous les membres souffrent avec lui" en raison, certes, de la charité qui les unit dans le Christ; et : "Si un membre est honoré, parce qu'il cherche à plaire à Dieu, évidemment, tous se réjouissent" (1 Cor 12 :26).

Quiconque n'est pas dans ces dispositions n'aime certainement pas son frère.

Qu. 176  : Qui sont les ennemis que nous sommes tenus d'aimer ? et comment aimerons-nous nos ennemis ? en leur faisant du bien seulement ? ou en étant aussi intérieurement bien disposés à leur égard ? Cela encore est-il possible ?

R. : Le propre d'un ennemi est de nuire et de dresser des embûches, aussi appellera-t-on ennemi quiconque fait du mal à autrui, et spécialement le pécheur. Le pécheur, en effet, nuit tant qu'il peut et tend des pièges à celui avec qui il vit comme à celui qu'il rencontre. Or l'homme étant composé d'une âme et d'un corps, nous aimerons l'âme de ces malheureux si nous les reprenons, les avertissons et faisons tout pour les amener à se convertir; nous aimerons leur corps en subvenant à leurs besoins dans les nécessités de la vie. Que la charité, cependant, soit une disposition intérieure, c'est évident pour tous. La possibilité nous en est démontrée par le Seigneur, qui a manifesté l'amour du Père et le sien en se révélant obéissant jusqu'à mourir, non, dit l'Apôtre, pour ses amis, mais pour des ennemis. "Voici, écrit-il, comment Dieu nous a prouvé son amour : c'est alors que nous étions pécheurs que le Christ est mort pour nous" (Rom 5 :8-9). Il nous exhorte donc à faire de même : "Soyez les imitateurs de Dieu comme des enfants bien-aimés, et marchez selon la charité, à l'exemple du Christ qui nous a aimés et s'est offert pour nous, en oblation et en hostie" (Eph 5 :1-2).

Certes celui qui est juste et bon n'aurait pas exigé cela s'il n'en avait donné la possibilité. Il a même montré que c'est là une chose forcément naturelle : les animaux, en effet, aiment instinctivement leurs bienfaiteurs, or l'ami nous fait-il autant de bien que les ennemis ? Ceux-ci nous introduisent dans cette béatitude dont parle le Seigneur : "Bienheureux serez-vous lorsqu'ils vous poursuivront et vous haïront et diront mensongèrement contre vous toute espèce de mal à cause de moi. Réjouissez-vous alors et soyez dans la joie, car votre récompense sera grande dans le ciel" (Mt 5 :11-12).

Qu. 177  : Comment les plus forts doivent-ils prendre sur eux les faiblesses des autres ? (Rom 15 :1)  

R. : Si l'expression "prendre sur soi" signifie enlever et guérir, comme le dit l'Évangile du Christ : "Qui assuma nos faiblesses et porta nos misères" (Is.53 :4), non pas en les admettant en lui, mais en guérissant ceux qui souffraient, - elle exprime également à la fois le caractère et la valeur de la pénitence, moyen par lequel la sollicitude des forts pourvoit à la guérison des faibles.

Qu. 178  : Que signifie la parole : "Prenez sur vous le fardeau les uns des autres" ? (Gal.6 :2) et quelle loi accomplir ainsi ?

R. : Cela revient à ce que nous venons de dire. Le péché est une lourde charge qui entraîne l'âme au fond de l'enfer. Nous nous l'enlevons mutuellement et autour de nous en amenant les pécheurs à se convertir. Dire "prendre sur soi" pour "enlever" est du reste une habitude des gens du pays, comme je l'ai souvent entendu. La loi que nous accomplissons est celle du Christ qui a dit : "Je ne suis pas venu inviter les justes mais les pécheurs à se convertir" (Lc 5 :32), et nous a donné ce commandement : "Si un frère commet une faute, va et reprends-le. S'il t'écoute tu auras gagné ton frère" (Mt 18 :15).

Qu. 179  : Comment peut-on, sans la charité, avoir une foi suffisante pour transporter les montagnes ou donner tous ses biens aux pauvres, ou livrer son corps aux flammes ?

R. : Il ne nous sera pas difficile de le comprendre si nous nous rappelons les paroles du Seigneur : "Ils font cela pour plaire aux hommes" (Mt 6 :5), et sa réponse à ceux qui lui dirent : "Seigneur, Seigneur, n'avons-nous pas prophétisé en votre nom ? N'avons-nous pas fait des prodiges en votre nom ?" (Mt 7 :22) - "En vérité, dit-il, je ne sais d'où vous êtes" (Lc 13 :27); non pas qu'ils eussent menti, mais parce qu'ils avaient usé des dons de Dieu suivant leur volonté propre, ce qui est incompatible avec la charité.

Il n'y a certes rien d'étrange à ce qu'un indigne reçoive un don de Dieu; car Dieu, dans le temps de la patience et de la bonté (Rom 2 :4), fait luire son soleil sur les bons et sur les méchants (Mt 5 :45); mais le plus souvent cette grâce est donnée pour le bien de celui qui la reçoit et qui, peut-être, confus de la bonté de Dieu à son égard, se convertira au désir de lui plaire, - ou pour le bien des autres, suivant la parole de l'Apôtre : "Certains prêchent le Christ par sentiment d'envie ou de contradiction, d'autres aussi par bonne volonté" (Phil.1 :15) - et il ajoute, peu après : "Mais qu'importe, hypocritement ou sincèrement, le Christ est annoncé de toute façon et c'est de cela que je me réjouis" (Phil.1 :18).

Qu. 180  : Avec quels sentiments et quelle attention faut-il écouter la lecture qui nous est faite pendant le repas ?

R. : Avec plus de plaisir que nous n'en avons en mangeant et en buvant, de sorte que notre esprit montre qu'il n'est point distrait par les voluptés du corps mais se délecte plutôt des paroles du Seigneur, tout comme celui qui a dit : "Elles sont plus douce que le miel et le rayon de miel" (Ps 18 :11).

Qu. 181  : De deux fraternités voisines, l'une est pauvre et l'autre peu disposée à partager; quels sentiments doivent animer la première à l'égard de celle qui ne donne pas ?

R. : Comment ceux qui ont appris à donner même leur vie les uns pour les autres dans l'amour du Christ, peuvent-ils être parcimonieux des biens du corps ? Comme s'ils oubliaient celui qui a dit : "J'ai eu faim et vous m'avez donné à manger" (Mt 25 :42). Si cela arrivait, ceux sont dans l'indigence doivent prendre patience, persuadés que, comme Lazare, ils seront consolés dans le siècle futur.

Qu. 182  : A quels fruits reconnaître si l'on reprend par compassion un frère coupable ?

R. : Le premier signe caractéristique de la compassion est celui dont parle l'Apôtre en disant : "Lorsqu'un membre souffre, tous les membres souffrent avec lui" (1 Cor 12 :26), et "Qui tombe sans que je ressente un feu en moi-même ?" (2 Cor.11 :29)

Ensuite il faut qu'on s'apitoie également sur toute faute et que l'on éprouve de la peine et de la tristesse pour tous les pécheurs, ceux qui nous offensent et ceux qui offensent les autres.

Enfin, en reprenant le coupable on ne doit pas le faire autrement que selon l'exemple donné par le Seigneur.

Qu. 183  : Lorsque des membres de la fraternité entrent en contestation, est-il sans danger de garder avec soi, par charité, de tels compagnons de vie ?

R. : Le Seigneur a dit : "Accordez, Père, qu'ils soient un en nous comme toi et moi nous sommes un" (Jn 17 :21); l'Apôtre a écrit : "unanimes et d'un même sentiment" (Phil.2 :2), et les Actes racontent que "les fidèles n'avaient qu'une seule âme et un même coeur" (Act.4 :32).

Certes, les frères en discorde sont étrangers à ces dispositions; quant à la charité bien ordonnée, elle observe ce principe : "Celui qui aime prend soin de corriger" (Pro 13 :24); mal ordonnée, quelle qu'elle soit, elle est mauvaise, selon la parole du Seigneur : "Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi, n'est pas digne de moi" (Mt 10 :37).

Qu. 184  : Quand il s'agit d'exhorter et de faire des reproches, comment ne pas seulement veiller à bien parler, mais aussi conserver les dispositions requises envers Dieu et envers ceux à qui l'on parle ?

R. : En se rappelant ces mots de l'Apôtre : "Qu'on nous regarde comme les serviteurs du Christ et les dispensateurs des mystères de Dieu" (1 Cor 4 :1).

On parlera, en effet, alors, non comme de sa propre initiative et pour exposer une doctrine personnelle, mais en ministre de Dieu qui prend soin des âmes rachetées par le sang du Christ, avec crainte et tremblement devant Dieu, car il est dit : "Nous parlons non pour plaire aux hommes, mais pour plaire à Dieu qui sonde les coeurs" (1 Thess.2 :4).

A l'égard des auditeurs on sera rempli de bienveillance et de compassion, en s'appliquant ces paroles : "Telle une nourrice qui entoure de soins ses enfants, ainsi dans notre affection pour vous, nous aurions voulu vous apporter non seulement l'Évangile de Dieu, mais encore notre vie elle-même" (1 Thess.2 :7-8).

Qu. 185  : Lorsqu'on se réjouit d'avoir touché ses auditeurs, comment reconnaître si c'est par un bon sentiment ou par retour sur soi-même ?

R. : Si l'on se réjouit uniquement des louanges reçues, il est clair que c'est de la complaisance en soi.

Si, au moment même, on est heureux d'apprendre par ces approbations que les auditeurs ont compris le discours et donnent ainsi l'espoir qu'ils y conformeront leur conduite et si, dans la suite, après que l'on s'est informé du résultat, on reconnaît avec joie que la bonne conduite a suivi les louanges ou, avec tristesse, qu'aucun profit n'a été retiré, alors on peut remercier Dieu : c'est dans la charité envers Dieu et envers ses frères qu'on a pu émouvoir; ce n'est pas sa propre gloire que l'on a recherché, mais la gloire de Dieu et l'édification du prochain.

Qu. 186  : Puisqu'on nous a enseigné qu'il faut aimer au point de donner sa vie pour ses amis, nous voudrions savoir pour quels amis nous devons être disposés à cela ?

R. : Il est raisonnable de distinguer les dispositions intérieurs et la pratique de cette vertu.

Autres sont souvent, en effet, les bonnes actions à poser en faveur des pécheurs, autres les marques de sollicitude à donner aux justes. Intérieurement, cependant, il faut être disposé à mourir aussi bien pour les pécheurs que pour les justes, sans distinction, car "Dieu, dit l'Apôtre, nous a montré son amour dans le fait que nous étions pécheurs lorsque le Christ est mort pour nous" (Rom 5 :8-9), et il dit aux saints : "Comme une nourrice pleine de sollicitude pour ses enfants, je vous ai aimés au point de désirer vous donner non seulement l'Évangile, mais ma vie même, tant vous m'êtes devenus chers" (1 Thess.2 :7-8).

Qu. 187  : Chacun peut-il recevoir quelque chose de sa famille ?

R. : Les parents de celui qui se consacre au Seigneur doivent, certes, lui livrer tous les biens qui lui appartiennent sans rien en soustraire, s'ils ne veulent pas encourir la peine du sacrilège. Cependant, les employer sous les yeux ce ceux à qui il a semblé bon de les apporter, leur fournirait souvent à eux-mêmes l'occasion de s'enorgueillir, et serait pour les pauvres qui ont embrassé la même vie un motif de chagrin. Il arriverait alors ce que l'Apôtre reproche aux Corinthiens : "Vous humiliez ceux qui n'ont rien" (1 Cor 11 :22).

C'est pourquoi, si celui à qui la direction des Églises locales a été confiée est digne de confiance et capable de bien administrer, on s'en référera à lui, à l'imitation des fidèles dont les Actes disent qu''"ils apportaient leur avoir aux pieds des Apôtres" (Act.4 :35). Si, en effet, il n'appartient pas à tous de gérer ces biens mais à ceux-là seuls qui ont été désignés pour cela, après y avoir été reconnus aptes, c'est lui qui emploiera ce don, comme lui-même le reconnaîtra juste.

Qu. 188  : Comment considérerons-nous les compagnons de jadis et les parents qui viendraient à nous ?

R. : Comme le Seigneur l'a montré et enseigné lorsqu'on vint lui dire : "Votre mère et vos frères sont dehors et veulent vous voir" (Lc 8 :20), - "Qui est ma Mère et qui sont mes frères ?" répondit-il sévèrement. "Celui qui fait la volonté de mon Père céleste, voilà qui est ma mère, mon frère, ma soeur" (Mt 12 :48-50).

Qu. 189  : Et s'ils nous invitent à nous rendre chez eux, devons-nous accéder à leur désir ?

R. : Si c'est pour le bien spirituel, qu'on envoie celui que l'on sait pouvoir édifier, mais s'il s'agit d'une simple politesse humaine, qu'on écoute la réponse du Seigneur à celui qui disait : "Permettez-moi d'aller mettre de l'ordre à mes affaires chez moi". - "Quiconque, dit-il, met la main à la charrue et regarde derrière lui, n'est pas digne du royaume des cieux" (Lc 9 :61-62). Si la faute de celui qui voulait prendre congé des siens une fois pour toutes est si grande, que dire du cas dont nous parlons ?

Qu. 190  : Faut-il avoir pitié de ses parents selon la chair et désirer leur salut ?

R. : Celui qui, selon l'expression du Seigneur, est né de l'esprit (Jn 3 :8), et a reçu le pouvoir de devenir enfant de Dieu (Jn 1 :12), rougit de la parenté charnelle. Il considère comme ses proches ceux qui le sont dans la foi, à l'exemple du Seigneur qui a dit : "Ma mère et mes frères sont ceux qui écoutent la parole de Dieu et la mettent en pratique" (Lc 8 :21). Il a certes pitié de tous ceux qui sont éloignés de Dieu, mais de ses parents selon la chair comme de tous les autres. Si quelqu'un souffre davantage pour eux, et croit trouver une excuse à sa douleur dans ces paroles de l'Apôtre : "J'aurai voulu être anathème, loin du Christ, pour mes frères, mes parents selon la chair" (Rom 9 :3), qu'il apprenne, par le contexte, que l'Apôtre ne veut pas marquer son respect pour la famille selon la chair, mais pour Israël et les privilèges reçus de Dieu, et non parce que les Israélites étaient ses frères, mais parce que ses frères étaient Israélites et que Dieu avait daigné leur accorder tant d'extraordinaires privilèges. A eux appartiennent l'adoption et la gloire, et la foi et le culte, et les alliances et les promesses; chez eux se trouvent les Pères, d'eux est issu le Christ selon la chair (Rom 9 :4-5). Voilà pourquoi il attache tant de prix à leur salut, non qu'il considère la parenté charnelle mais l'Incarnation, en leur faveur, du Christ qui a dit : "J'ai été envoyé seulement pour les brebis de la maison d'Israël qui ont péri" (Mt 15 :53).

Qu. 191  : Qui est l'homme doux ?

R. : Celui qui reste immuable dans sa décision prise pour plaire à Dieu.

Qu. 192  : Qu'est-ce que la tristesse selon Dieu et la tristesse selon le monde ?

R. : La tristesse selon Dieu, est de celui qui s'afflige de la transgression d'un commandement de Dieu, suivant ces paroles de l'Écriture : "L'affliction m'a saisi à la vue des pécheurs qui abandonnent votre loi" (Ps 118 :53).

La tristesse selon le monde, est de qui s'attriste pour un motif humain et digne du monde.

Qu. 193  : Qu'est-ce que se réjouir dans le Seigneur ? et en quoi faut-il se réjouir ?

R. : Être heureux de ce qui est conforme à la loi de Dieu et tourne à sa gloire : voilà se réjouir dans le Seigneur.

Lorsque nous accomplissons les commandements ou souffrons pour son nom, nous devons donc être dans l'allégresse et nous féliciter mutuellement.

Qu. 194  : Quand pleurerons-nous de façon à mériter la béatitude ? (Mt 5 :5)

R. : Cette question est contenue dans la question sur la tristesse selon Dieu. Ce sera lorsque nous pleurerons sur les péchés commis, soit à cause de l'offense faite à Dieu, parce qu'en transgressant la loi de Dieu on le méprise, soit à cause du danger couru par les pécheurs, car "l'âme qui a péché, est-il dit, mourra" (Ez.18 :4), à l'imitation de celui qui a dit : "Je pleurerai sur beaucoup de ceux qui auront péché" (2 Cor.12 :21).

Qu. 195  : Comment faire tout pour la gloire de Dieu ?

R. : En faisant tout pour Dieu, selon le commandement de Dieu, et sans convoiter en rien les louanges des hommes, mais en se rappelant partout ce que le Seigneur a dit : "Que votre lumière brille devant les hommes afin qu'ils voient les bonnes oeuvres que vous faites et rendent gloire à votre Père qui est dans les cieux" (Mt 5 :16).

Qu. 196  : Comment manger et boire pour la gloire de Dieu ?

R. : On pensera à son bienfaiteur et l'on sera intérieurement dans ce sentiment, manifesté par l'attitude du corps, que l'on mange en présence de Dieu et non comme un être sans soucis. Quant au but de la réfection, on mangera non pour le plaisir, en esclave de son ventre, mais en ouvrier de Dieu, pour se fortifier en vue de l'accomplissement des commandements du Christ.

Qu. 197  : Comment la main droite agit-elle de façon que la main gauche l'ignore ?

R. : Lorsque, fermement établie dans le désir de plaire à Dieu, et luttant pour ne pas s'écarter de son devoir, l'âme combat selon les règles; alors elle ne pense même pas à un autre membre qu'à celui qui lui sert dans le présent, comme un artisan dans son travail ne regarde que l'outil qu'il emploie.

Qu. 198  : Qu'est-ce que l'humilité et comment y parvenir ?

R. : L'humilité consiste, suivant le commandement de l'Apôtre (Phil.2 :3), à regarder les autres comme étant au dessus de soi. Pour y parvenir on se souviendra d'abord de la parole du Seigneur : "Apprenez de moi parce que je suis doux et humble de coeur" (Mt 11 :29), ce qu'il a montré et enseigné en bien des occasions et de bien des manières, et on aura confiance en cette promesse : "Quiconque s'humilie sera élevé" (Lc 14 :11).

Ensuite, avec persévérance et constance, en toute occasion d'agir, on se demandera quels sont les comportements de l'humilité et on s'y exercera, car c'est en se donnant de la peine, que l'on parviendra ainsi, par une constante application, comme dans les arts, à la pratique parfaite de l'humilité. C'est aussi de la même manière que l'on arrivera à toute vertu commandée par Notre Seigneur Jésus Christ.

Qu. 199  : Comment avoir le courage de s'exposer même aux dangers pour observer la loi du Seigneur ?

R. : On se souviendra d'abord que le Seigneur lui-même a été, pour nous, obéissant à son Père jusqu'à la mort (Phil.2 :8). Ensuite on se représentera la valeur de la loi divine qui, selon l'Écriture, est vie éternelle (Jn 12 :50). Enfin, on aura confiance dans cette parole du Seigneur : "Celui qui voudra sauver sa vie la perdra et celui qui perdra sa vie pour moi et pour l'Évangile, la sauvera" (Mc 8 :35).

Qu. 200  : Comment les anciens dans le service de Dieu peuvent-ils aider les nouveaux venus ?

R. : Lorsqu'ils sont valides, en montrant l'activité de leur zèle et en donnant l'exemple de toute observance.

Lorsqu'ils sont impotents , en vivant dans un état d'âme tel que, sur leur visage et dans leur maintien, il apparaisse qu'ils sont persuadés d'être sous les regards de Dieu et dans la présence du Seigneur, et en manifestant dans leur conduite ces caractères que l'Apôtre énumère de la charité : "La charité est patiente, est bienveillante, n'est pas jalouse, n'agit pas à contretemps, ne s'enfle pas, n'est pas dédaigneuse, ne cherche point ses propres intérêts, ne s'irrite pas, ne soupçonne pas le mal, ne prend pas plaisir à l'injustice mais se réjouit de la vérité. Elle supporte tout, croit tout, espère tout, souffre tout. La charité n'aura jamais de fin" (1 Cor 13 :4-8). Tout cela, on peut le réaliser même dans un corps débile.

Qu. 201  : Comment être sans distractions dans la prière ?

R. : En croyant bien avoir Dieu devant soi.

Si, lorsqu'on est en présence d'un prince ou d'un supérieur et qu'on lui parle, on ne détourne pas les yeux de lui, à combien plus forte raison, en priant Dieu ne détournera-t-on pas l'esprit de Celui qui sonde les reins et les coeurs, afin de réaliser cette parole de l'Écriture : "Élevant les mains pures, sans colère ni contestation" (1 Tim.2 :8).

Qu. 202  : L'absence de distractions partout et en tout temps est-elle possible ? et comment l'obtenir ?

R. : Qu'elle soit possible, c'est ce que montre celui qui a dit : "Mes regards sont tournés vers le Seigneur" (Ps 24 :15) et "Je voyais toujours le Seigneur devant moi parce qu'il se tient à ma droite pour que je ne sois pas ébranlé" (Ps 15 :8).

Comment l'obtenir ? On l'a déjà dit : lorsqu'on ne laisse pas de répit à l'âme, ni dans le souvenir de Dieu, de ses oeuvres et de ses dons, ni dans la reconnaissance et l'action de grâces pour tous ses bienfaits.

Qu. 203  : Les bonnes actions accomplies selon la loi du Seigneur, les trouve-t-on en aussi grand nombre chez tous, ou plus abondantes chez les uns, moins abondantes chez les autres ?

R. : Il est clair que la mesure n'est pas la même pour tous, mais que l'un reçoit et rend plus et l'autre moins, c'est le Seigneur qui l'enseigne : "Celui pour qui la graine tombe sur une bonne terre, c'est celui qui entend la parole de Dieu et la comprend, il porte du fruit, et donne, l'un du cent, un autre du soixante et un autre du trente pour un" (Mt 13 :23). On retrouve la même affirmation dans la parabole des mines (Lc 19 :16), ou lorsque "à l'un il donna cinq talents, à l'autre deux et à un autre trois" (Mt 25 :15).

Qu. 204  : Comment se rendre digne de posséder le Saint Esprit ?

R. : Notre Seigneur Jésus Christ nous l'a enseigner en disant : "Si vous m'aimez, observez mes commandements, et moi je prierai mon Père de vous envoyer un autre Consolateur qui reste avec vous éternellement : l'Esprit de vérité, que le monde ne peut recevoir" (Jn 14 :15-17).

Aussi longtemps donc que nous n'observons pas tous les commandements du Seigneur et ne sommes pas tels qu'il puisse donner de nous ce témoignage : "Vous n'êtes pas du monde" (Jn 15 :19), nous ne pouvons nous attendre à être dignes de recevoir le Saint Esprit.

Qu. 205  : Qui sont les pauvres en esprit ? (Mt 5 :3)

R. : Le Seigneur a dit : "Les paroles que je vous adresse sont esprit et vie" (Jn 6 :64), et ailleurs : "Le Saint Esprit vous enseignera toutes choses et vous rappellera tout ce que je vous aurai dit... (Jn 14 :26), car, ajoute-t-il, il ne parlera pas de lui-même, mais vous enseignera ce qu'il aura entendu de moi" (Jn 16 :13). Ceux-là sont donc pauvres en esprit qui ne le sont point pour un motif quelconque, mais à cause de l'enseignement du Christ qui a dit : "Va, vends tout ce que tu as et donnes-le aux pauvres" (Mt 19 :21). Cependant si quelqu'un accepte la pauvreté d'où qu'elle vienne et, comme Lazare, la fait servir à l'accomplissement de la volonté de Dieu, celui-là n'est pas étranger non plus à la béatitude.

Qu. 206  : Le Seigneur ayant dit : "Ne vous demandez pas avec inquiétude : que boirons-nous, ou que mangerons-nous, ou de quoi nous vêtirons-nous ?" (Mt 6 :31) jusqu'ou s'étend ce commandement et comment l'observer ?

R. : Ce commandement, comme tous les autres, s'étend jusqu'à la mort, car c'est jusqu'à la mort que le Seigneur a été obéissant (Phil.2 :8). On l'observe par la confiance en Dieu. Le Seigneur, en effet, en proscrivant l'inquiétude, ajoute cette promesse : "Car votre Père sait ce dont vous avez besoin avant que vous le lui demandiez" (Mt 6 :32).

Telle fut la conduite de l'Apôtre qui écrit : "Nous portons en nous l'arrêt de la mort, afin que nous ne mettions pas notre confiance en nous-mêmes, mais en Dieu qui ressuscite les morts" (2 Cor.1 :9).

Chaque jour il préférait mourir, et son âme était prête, mais la volonté de Dieu la conservait en vie, d'où il disait avec confiance : "Comme mourant, et cependant en vie" (2 Cor.6 :9).

Ce qui facilite une telle disposition, c'est un zèle ardent pour les commandements du Seigneur, et un désir insatiable, sous l'impulsion duquel on ne se donne même pas le loisir d'être préoccupé par les nécessités du corps.

Qu. 207  : S'il ne nous est pas permis de nous inquiéter pour les nécessités de la vie et si le Seigneur nous a donné cet autre avertissement : "Ne travaillez pas pour une nourriture périssable" (Jn 6 :27), il est donc vain de travailler ?

R. : Le Seigneur lui-même, en chacun de ces deux endroits, explique son commandement. D'une part, après avoir défendu de se mettre en peine pour les besoins de la vie, en disant : "Ne vous demandez pas ce que vous mangerez ou ce que vous boirez, tous les païens en font autant", il ajoute : "Cherchez plutôt le royaume de Dieu et sa justice" (Mt 6 :31-33). Pour montrer alors comment le chercher, il indique les actions dignes de l'obtenir.

D'autre part, après avoir défendu de travailler pour une nourriture périssable, il enseigne à le faire pour une nourriture éternelle (Jn 6 :27), ce qu'il explique en un autre endroit en disant : "Ma nourriture est de faire la volonté de mon Père qui m'a envoyé" (Jn 4 :34). Or si la volonté de Dieu demande de nourrir celui qui a faim, de donner à boire à celui qui a soif et de vêtir celui qui est nu (Mt 25 :35-36), il faut donc imiter l'Apôtre qui a dit : "Je vous ai montré de toutes manières que c'est en peinant de la sorte qu'on soutient les pauvres" (Act.20 :35), et lui obéir, lorsqu'il dit : "Il doit plutôt s'occuper en travaillant de ses mains à un travail honnête afin d'avoir à donner à celui qui est dans le besoin" (Eph 4 :28). Il est donc évident que le Seigneur dans l'Évangile et l'Apôtre enseignent à ne pas s'inquiéter et à ne pas travailler pour soi-même, mais le Seigneur veut que l'on s'inquiète et que l'on travaille avec le plus grand zèle pour le prochain, d'autant plus qu'il regarde comme rendu à lui-même tout service rendu à ceux qui lui sont consacrés, et promet pour cela le royaume des cieux.

Qu. 208  : Est-il à propos de garder toujours le silence ?

R. : L'opportunité du silence dépend, nous enseigne l'Écriture inspirée, des circonstances et des personnes.

Des circonstances, comme lorsqu'elle dit : "L'homme prudent se tait lorsque le moment n'est pas propice" (Amos5 :13), ou : "J'ai mis une garde à ma bouche tant que le méchant est devant moi" (Ps 38 :2).

Des personnes, comme lorsque l'Apôtre écrit : "Si l'esprit se manifeste à un des assistants, que le premier se taise" (1 Cor 14 :30), et : "Que vos femmes se taisent pendant les assemblées" (1 Cor 14 :34).

Lorsque certains parlent inconsidérément et sont incapables d'observer la recommandation de l'Apôtre : "Ne laissez sortir de votre bouche aucune parole mauvaise, mais seulement une bonne, capable d'édifier" (Eph 4 :29), alors il est aussi nécessaire à ceux-là de garder un silence parfait, jusqu'à ce qu'ils soient guéris, grâce à lui, de leur intempérante loquacité. Ils apprendront ainsi, par l'abstention, à reconnaître quand, comment et de quoi parler "afin de faire du bien à ceux qui entendent" (Eph 4 :29).

Qu. 209  : Comment pourrons-nous craindre les jugements de Dieu ?

R. : L'expectative de tout mal engendre naturellement la crainte. C'est ainsi que nous craignons les bêtes féroces ou les maîtres dont nous savons que nous pourrions avoir à souffrir.

Celui qui est persuadé de la vérité des menaces du Seigneur et s'attend à leur terrible et redoutable effet craint donc les jugements du Seigneur.

Qu. 210  : Quel est ce vêtement décent dont nous parle l'Apôtre ?

R. : C'est, en tenant compte du temps, du lieu, de la personne et des nécessités, un vêtement honnêtement adapté à sa destination. La façon de se vêtir n'est pas la même, en effet, pour l'été et pour l'hivers, pour le travail et pour le repos, pour le maître et pour le serviteur, pour le soldat et pour l'homme privé, pour l'homme et pour la femme.

Qu. 211  : Quelle est la mesure de l'amour de Dieu ?

R. : Il faut tendre son âme jusqu'au-delà même de ses forces vers l'accomplissement de la volonté de Dieu, dans l'intention et le désir de le glorifier.  

Qu. 212  : Comment exciter en nous l'amour de Dieu ?

R. : En acceptant ses bienfaits avec un coeur conscient et bien disposé. C'est ce que font les animaux eux-mêmes, car nous voyons les chiens n'aimer que ceux qui leur donnent du pain.

Le prophète Isaïe nous enseigne cela lorsqu'il dit sur un ton de reproche : "J'ai engendré et j'ai élevé des fils, mais eux m'ont méprisé. Le boeuf connaît son possesseur et l'âne la mangeoire de son maître; mais Israël ne m'a pas reçu et mon peuple ne m'a pas compris" (Is.1 :2-3).

Instinctivement le boeuf et l'âne aiment qui les nourrit, pour le bienfait reçu; ainsi nous-mêmes, si nous recevons avec un coeur conscient et bien disposé les bienfaits de Dieu, comment n'aimerons-nous pas un Dieu qui nous en accorde de si grands et de si nombreux, car c'est naturellement, pour ainsi dire, et sans l'avoir appris, qu'une âme saine éprouve de tel sentiment.

Qu. 213  : Quelles sont les preuves de l'amour de Dieu ?

R. : Le Seigneur nous l'a enseigné lui-même en disant : "Si vous m'aimez, observez mes commandements" (Jn 14 :15).

Qu. 214  : Quelle différence y a-t-il entre "être secourable" et "être bon" ?

R. : David a dit : "Dieu est secourable à tous" (Ps 144 :9), et : "L'homme qui a pitié du pauvre et lui prête, est secourable" (Ps 111 :5).

Par contre il est dit ailleurs : "Seigneur soyez bon pour les bons" (Ps 124 :4), et Jérémie : "Le Seigneur est bon pour ceux qui espèrent en lui" (Lamentations 3 :25).

Il semble donc qu''"être secourable" a un sens plus large et vise tous ceux qui sont dans le besoin quels qu'ils soient, tandis que la bonté est plus restreinte et tient compte de la justice dans ses bienfaits.

Qu. 215  : Qui est le pacifique (Mt 5 :9) déclaré bienheureux par le Seigneur ?

R. : Celui qui collabore avec le Seigneur en faisant ce que dit l'Apôtre : "C'est pour le Christ que nous faisons fonction d'ambassadeurs, et Dieu lui-même vous exhorte par nous; c'est au nom du Christ que nous vous le demandons, réconciliez-vous avec Dieu" (2 Cor.5 :20), et encore : "Justifiés dans la foi, nous sommes en paix avec Dieu" (Rom 5 :1). Une paix qui serait autre, en effet, le Seigneur la rejette en disant : "Je vous donne ma paix, je ne vous la donne pas comme le monde la donne" (Jn 14 :27).

Qu. 216  : En quoi faut-il se convertir et devenir comme des enfants ? (Mt 18 :3)

R. : Le passage même de l'Évangile où se trouvent ces paroles nous l'apprend en montrant dans quelle pensée elles furent prononcées : il ne faut pas rechercher la supériorité mais reconnaître l'égalité naturelle et aimer cette égalité en présence de ceux qui paraissent nos inférieurs en quelque point; ainsi font les enfants entre eux, du moins lorsqu'ils n'ont pas été corrompus par ceux qui vivent avec eux.

Qu. 217  : Comment recevons-nous le royaume de Dieu comme des enfants ?

R. : En devenant vis-à-vis de l'enseignement du Seigneur comme l'enfant que l'on instruit : il ne contredit pas, il ne discute pas avec ses maîtres, mais il reçoit avec confiance et docilité leur enseignement.


  IKTHYS                                   --> 6^ partie