SAINT BASILE LE GRAND


LES PETITES RÈGLES  

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Qu. 256  : Quelle récompense reçoivent "ceux-ci, tout comme les derniers" ? (Mt 20 :9 :10)

R. : Peut-être de ne pas se voir interpeller sur leurs bonnes oeuvres, comme tous ceux qui ont obéi; car recevoir la couronne appartient à ceux qui ont combattu loyalement le bon combat, qui ont achevé la course, qui ont pratiqué la foi, dans l'amour du Christ Jésus Notre Seigneur.

Mais cette récompense susdite peut être aussi le centuple que le Seigneur a promis en cette vie à ceux qui ont tout abandonné pour suivre son commandement, et c'est ce que voudrait dire : "prends ton bien"; toutefois, puisque, premiers au travail, ils ont été atteints de la maladie de l'envie en s'imaginant recevoir plus que les autres, qui ont reçu la même chose, ce ne serait pas d'hériter aussi de la vie éternelle mais seulement de recevoir, maintenant, le centuple, et, dans l'avenir, d'être condamnés pour leur envie et d'entendre dire : "va-t-en" (Mt 20 :14).

Qu. 257  : Qui sont la balle de blé brûlée par le feu inextinguible ? (Mt 3 :12)

R. : Ceux qui se rendent utiles à ceux qui méritent le royaume du ciel, comme la balle sert au froment, mais ne le font pas dans des dispositions d'amour de Dieu et du prochain, qu'il s'agisse de bienfait d'ordre spirituel ou de services matériels, et ainsi se laissent eux-mêmes imparfaits.

Qu. 258  : Qui est celui que l'Apôtre condamne en disant : "affectant l'humilité et la religion" et la suite ? (Col.2 :18)

R. : Le contexte éclaire, je crois, le sens que vous cherchez en ce lieu, car plus loin, l'Apôtre parle de la rigueur envers le corps (Col.2 :23). Tels sont les Manichéens et ceux qui leur ressemblent.

Qu. 259  : Qui est fervent d'esprit ? (Rom 12 :11)

R. : Celui qui, avec un zèle ardent, un désir insatiable et un diligent empressement, accomplit le commandement de Dieu dans l'amour de Jésus Christ, selon ce qui est écrit : "Il mettra toute sa volonté dans ses commandements" (Ps 111 :1).

Qu. 260  : L'Apôtre a dit, tantôt : "Ne soyez pas inconsidérés" (Eph 5 :17), et tantôt : "Ne suivez pas votre propre sagesse" (Rom 12 :16); mais est-il possible de n'être pas inconsidéré si l'on ne suit pas la sagesse que l'on a en soi ?

R. : Chaque ordre a sa précision : le "ne soyez pas inconsidérés..." est suivi de : "mais faites attention à la volonté de Dieu" et le "ne suivez pas votre propre sagesse" de : "mais craignez le Seigneur et évitez le mal" (Pro 3 :7). Inconsidéré" est donc celui qui n'est pas attentif à la volonté de Dieu; et "se fie à sa propre sagesse" quiconque suit ses raisonnements personnels au lieu de se conformer, dans la foi, aux paroles de Dieu. Par conséquent, si on veut n'être ni inconsidéré ni sage en soi-même, il convient d'écouter la volonté du Seigneur dans la foi en Lui, et, dans la crainte de Dieu, d'imiter l'Apôtre qui dit : "Détruisant les raisonnements humains et toute prétention qui se dresse contre la connaissance de Dieu, et rendant toute pensée captive sous l'obéissance du Christ" (2 Cor.10 :4-5).  

Qu. 261  : Le Seigneur a promis : "Tout ce que vous demanderez avec confiance dans la prière, vous l'obtiendrez" (Mt 21 :22), et encore "Si deux d'entre vous s'accordent sur terre il leur sera fait en tout selon leur prière" (Mt 18 :19); comment dès lors, certains, même parmi les saints, n'ont-ils pas obtenu ? Ainsi l'Apôtre qui dit : "Trois fois j'ai prié le Seigneur d'écarter cela de moi" (2 Cor.12 :8), et il n'a pas obtenu ce qu'il demandait; et le prophète Jérémie ? et Moïse lui-même ?

R. : Notre Seigneur Jésus Christ a dit dans sa prière : "Père, si c'est possible, que ce calice s'éloigne de moi" et il a ajouté : "Mais que ta volonté se fasse, et non la mienne" (Mt 26 :39).

Il faut donc, tout d'abord, savoir qu'il ne nous est pas permis de demander tout ce que nous désirons, et nous apprenons à ne même pas demander ce qui pourrait nous être utile, car nous ne savons pas demander comme il convient. C'est pourquoi il nous faut prier, avec beaucoup de circonspection, selon la volonté de Dieu.

Si nous ne sommes pas exaucés, nous devons savoir : ou bien qu'il nous faut persévérer et insister, selon la parabole du Seigneur au sujet de la nécessité de prier toujours sans jamais se décourager, et selon qu'il est dit ailleurs : "A cause de son importunité, il se lèvera et lui donnera les choses dont il a besoin" (Lc 11 :8), ou bien, qu'il faut nous corriger et agir avec zèle, suivant ce que dit le Seigneur par la bouche du prophète : "Lorsque vous tendrez les mains vers moi, je détournerai ma face de vous, et lorsque vous multiplierez vos prières, je ne vous écouterai pas, car vos mains sont pleines de sang. Lavez-vous et purifiez-vous" (Is.1 :15-16), et la suite. Telles deviennent et sont, à n'en pas douter, les mains de la plupart, à en croire le jugement de Dieu porté contre ceux qui ont charge de prêcher au peuple de Dieu et se sont tus : "Le sang du pécheur sera réclamé des mains de qui doit veiller sur lui" (Ez.3 :18). Aussi bien est-ce persuadé de cette immuable vérité, que l'Apôtre dit : "Dès maintenant je suis pur de votre sang à tous, car je ne me suis jamais refusé à vous annoncer l'entier dessein de Dieu" (Act.20 :26-27). Si le silence rend déjà coupable du sang des pécheurs, que dire encore de ceux qui scandalisent les autres par leurs actes ou leurs paroles ?

Il arrive aussi que ce soit à cause de son indignité que celui qui prie n'obtient pas : ainsi David, qui souhaitait construire une demeure à Dieu et fut empêché. Il n'avait certes pas cessé de plaire à Dieu, mais il ne fut pas jugé digne de cela.

Pour Jérémie, il semble n'avoir pas été exaucé à cause de l'indignité de ceux pour qui il priait.

Souvent, par négligence, nous avons laissé passer le moment propice à notre prière, et alors on nous trouve priant à contre-temps et en vain.

A propos de : "C'est pourquoi, trois fois j'ai demandé au Seigneur d'écarter cela de moi" (2 Cor.12 :8), il faut bien savoir que ces peines, tant extérieures que corporelles sont, pour des raisons multiples et diverses, voulues ou permises de Dieu en vue d'un bien préférable à leur éloignement. Par conséquent, si quelqu'un pouvait savoir qu'il faut la prière et la demande pour être délivré de son mal, il serait exaucé dès qu'il a prié : tels les deux aveugles de l'Évangile, les dix lépreux et beaucoup d'autres; mais s'il ne découvre pas la raison pour laquelle il est éprouvé (car, bien souvent c'est par la patience qu'est atteint le but de la souffrance), et s'il prie pour être délivré, alors qu'il fallait souffrir jusqu'au bout, il n'est pas exaucé, parce qu'il ne concourt pas au but voulu par Dieu dans sa bonté.

Pour la parole : "Si deux d'entre vous s'entendent" (Mt 18 :19), le contexte lui-même l'explique. Elle est dite, en effet, de celui qui fait des reproches au pécheur et de celui qui les reçoit. Dieu "ne voulant pas la mort du pécheur mais qu'il se convertisse et vive" (Ez.33 :11), si l'admonesté se pénètre de repentir et entre ainsi dans l'intention de celui qui le réprimande, tout, c'est-à-dire la délivrance de tout péché, s'ils le demandent, Dieu qui aime les hommes l'accordera. Si, au contraire, l'admonesté ne cède pas aux reproches il n'aura pas la délivrance, mais le lien, selon ce qui suit : "Tout ce que vous lierez sur la terre sera lié dans le ciel" (Mt 18 :18), et ainsi s'accomplira cette sentence : "Si le coupable n'écoute pas l'Église, qu'il soit comme un païen et un publicain" (Mt 18 :17).

Qu. 262  : Parmi les choses dont elle fait l'éloge, l'Écriture place la pauvreté et l'indigence, comme dans : "Bienheureux les pauvres" (Mt 5 :3), et dans : "Le Seigneur entendra la prière des indigents" (Ps 9 :17), et encore : "Le pauvre et l'indigent loueront ton nom" (Ps 73 :21). Quelle différence y a-t-il donc entre la pauvreté et l'indigence ? et comment David a-t-il pu dire en toute vérité : "Je suis pauvre et indigent" (Ps 39 :18) ?

R. : Me souvenant de la parole de l'Apôtre : "Parce qu'il s'est fait pauvre à cause de nous, bien qu'Il fût riche" (2 Cor.8 :9), je pense que pauvre est celui qui, de la richesse tombe dans le besoin, et indigent celui qui est dans le besoin depuis la naissance, mais qui s'est conduit, en cet état, de façon agréable au Seigneur.

Si David se reconnaît pauvre et indigent c'est, vraisemblablement, qu'il parle en figure du Seigneur, appelé pauvre suivant l'expression : "Il s'est fait pauvre à cause de nous, bien qu'Il fût riche", et il s'est appelé indigent en tant qu'il se comporte selon la chair non pas en enfant de riche, mais en fils d'artisan (Mt 13 :55); peut-être aussi parce que, comme Job (Job.1 :21), il savait, non pas thésauriser ses biens ni s'attacher à la richesse comme si elle fût sienne, mais tout gérer selon la volonté de Dieu.

Qu. 263  : Que veut nous apprendre le Seigneur lorsque, avant de dire : "Ainsi celui d'entre vous qui ne renonce pas à tout ce qu'il a, ne peut devenir mon disciple" (Lc 14 :33), il apporte ces exemples : si quelqu'un veut bâtir une tour ou partir en guerre contre un roi, il doit d'abord faire ses préparatifs pour la construction ou pour la guerre. S'il est incapable, il peut ou ne pas poser les fondements ou demander les conditions de paix ? (Lc 14 :28-32) Alors celui qui veut devenir disciple du Seigneur doit faire ce renoncement ? Et s'il trouve que cela lui sera fort difficile peut-il ne pas même commencer à être disciple du Seigneur ?

R. : Le but du Seigneur dans ces exemples est, non pas de donner la liberté d'être ou de ne pas être son disciple, mais de montrer qu'il est impossible de plaire à Dieu, si l'âme est distraite par les choses dans lesquelles elle risque d'être facilement surprise par les ruses du démon. Elle mériterait alors la moquerie et la dérision pour n'avoir pas achevé ce qu'elle avait paru entreprendre avec zèle. C'est ce que le prophète demande de n'avoir pas à souffrir lorsqu'il dit : "Que mes ennemis ne se moquent pas de moi et qu'ils ne s'élèvent pas contre moi si mes pieds vacillent" (Ps 37 :17).

Qu. 264  : L'Apôtre dit : "Afin que vous soyez simples" (Phil.1 :10), et encore : "...mais avec simplicité" (2 Cor.2 :17). Qu'est-ce donc qu'être simple ?

R. : Je pense qu'être simple c'est être sans mélange et absolument pur de tout contraire, comme un seul bloc, et tout orienté vers la piété; non seulement cela, mais encore soucieux d'en atteindre la fin en toute occasion et en toute chose, de façon que chacun, à la place qui lui est assignée, tende correctement vers son but sans se laisser détourner même par des buts semblables.

Le premier point apparaît clairement dans la suite du texte lorsqu'à ces paroles "mais avec simplicité" il ajoute "nous parlons comme de la part de Dieu, en présence de Dieu, dans le Christ".

Le second point apparaît dans ces paroles : "N'ayez pas des vues plus hautes qu'il ne convient, mais soyez modérés selon la mesure de foi que Dieu a donné à chacun" (Rom 12 :3), et dans les autres paroles qui les accompagnent.

Qu. 265  : Est-ce aux prêtres seulement ou également à tous qu'il est dit : "Si tu portes ton offrande à l'autel et, là, tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi, laisse ton offrande devant l'autel, va d'abord te réconcilier avec ton frère; ensuite tu reviendras faire ton offrande" (Mt 5 :23-24) ?

Et comment chacun de nous porte-t-il une offrande à l'autel ?

R. : C'est spécialement et premièrement pour les prêtres qu'il serait normal de le comprendre, puisqu'il est écrit : "Vous serez appelés prêtre du Seigneur, vous, les ministre de Dieu" (Is.61 :6), et : "Le sacrifice de louange m'honore" (Ps 49 :23), et encore, "Sacrifice à Dieu est un coeur brisé" (Ps 50 :19). L'Apôtre dit aussi : "Offrir vos corps en hostie vivante, sainte, agréable à Dieu : voilà le culte spirituel que vous devez lui rendre" (Rom 12 :1).

Mais ce sont là toutes choses dont chacune est à la portée de tous, et, pour chacun de nous, il est nécessaire de réaliser ce genre d'offrande.

Qu. 266  : Qu'est le sel que le Seigneur nous prescrit d'avoir en nous par ces mots : "Ayez du sel en vous, conservez la paix entre vous" ? (Mc 9 :50) Et l'Apôtre dit : "Que vos paroles soient toujours aimables, assaisonnées de sel" (Col.4 :6).

R. : Là aussi le sens est éclairci par le contexte : dans les paroles du Seigneur nous apprenons qu'il ne faut jamais donner de motif de discorde et de rupture, mais nous garder toujours dans les liens de la paix pour l'unité de l'esprit. (Eph 4 :3)

Quant aux paroles de l'Apôtre, si on se souvient de celui qui dit : "Mangera-t-on du pain sans sel, et y a-t-il encore de la saveur dans des mots vides ?" (Job6 :6), on y apprendra qu'il faut ordonner ses paroles pour l'édification de la foi, "afin de faire du bien à ses auditeurs" (Eph 4 :29), en leur parlant en temps opportun et convenablement, pour les amener à se laisser persuader.

Qu. 267  : Si quelqu'un doit être beaucoup puni et l'autre peu (Lc 12 :47), comment certains disent-ils qu'il n'y a pas de fin au châtiment ? 

R. : Ce qui semble ambigu et obscur dans certains passages de l'Écriture inspirée est clairement expliqué dans d'autres passages.

Tantôt, le Seigneur déclare : "Ceux-ci iront au châtiment éternel" (Mt 25 :46), tantôt, il chasse "au feu éternel préparé pour le démon et pour les anges" (Mt 25 :41); ailleurs, il mentionne "la géhenne du feu" et poursuit : "où leur ver ne meurt pas et où le feu ne s'éteint pas" (Mc 9 :45); autrefois, un prophète a dit aussi de certains "que leur ver ne mourra pas, que leur feu ne s'éteindra pas" (Is.66 :24).

Ces expressions et d'autres semblables se trouvent souvent dans l'Écriture inspirée; mais, c'est aussi un effet de la ruse du démon, que beaucoup d'hommes, comme s'ils ignoraient de si terribles et si nombreuses paroles et affirmations du Seigneur, afin d'oser d'avantage, font miroiter à leurs yeux un terme au châtiment. Or, si jamais il y a un terme au châtiment, il y en aura aussi à la vie éternelle, et s'il ne nous est pas permis de concevoir cela de la vie éternelle, quelle valeur a : mettre fin au châtiment éternel ? car l'adjectif éternel est donné à l'un et l'autre également : "ceux-ci, dit-il, s'en iront au châtiment éternel, et les justes à la vie éternelle" (Mt 25 :46).

Si nous reconnaissons ce fait, il faut savoir que l'expression : "il sera beaucoup puni" ou "il sera peu puni" indique non pas des peines limitées, mais des peines différentes.

En effet, si Dieu est un juste juge, donnant non seulement aux bons, mais aussi aux mauvais, à chacun selon ses oeuvres, celui qui mérite le feu inextinguible peut le mériter soit plus doux soit plus ardent; celui qui mérite le ver immortel peut en être plus ou moins torturé selon le cas; un tel mérite une géhenne pleine de châtiments complètement différents, tel autre les ténèbres extérieures, où l'un se trouve seulement dans les larmes, et l'autre aussi parmi les grincements de dents, à cause de ce qui lui est ajouté de peines. Et ces ténèbres extérieures, il semble évident qu'elles sont aussi intérieures. Et le "dans les profondeurs de l'enfer" (Pro 9 :18) des Proverbes, montre bien que certains sont dans l'enfer, sans doute, mais non dans le fond, parce qu'ils ont un châtiment plus léger.

On peut faire la même distinction dans les maladies du corps, car si l'un a la fièvre avec les symptômes d'autres maladies, l'autre a la fièvre seulement, et celui-ci autrement qu'un autre; un autre encore n'a pas de fièvre, mais il est brisé par la douleur d'un membre et, de nouveau, celui-ci plus qu'un autre.

Le Seigneur se sert aussi des mots "beaucoup" et "peu" selon l'usage ordinaire, comme aussi d'autres semblables, car, nous le savons bien, on emploie la même expression à propos de ceux qu'afflige une maladie quelconque : ainsi nous disons avec étonnement de quelqu'un qui a la fièvre seulement, ou qui souffre d'un oeil : combien il a souffert ! ou : quelles douleurs il a supportées !Je le répète donc : être beaucoup ou peu puni ne se réalise et ne s'accomplit pas dans la durée, mais dans la différence des châtiments.

Qu. 268  : Dans quel sens dit-on : "Enfants de l'incrédulité" (Eph 5 :6) et "fils de la colère" (Eph 2 :3) ?

R. : Le Seigneur paraît appeler enfants et fils de quelqu'un, bon ou mauvais, ceux qui font sa volonté. "Si vous étiez les enfants d'Abraham, dit-il, vous feriez les oeuvres d'Abraham" (Jn 8 :39), et encore : "Vous avez le démon pour père et vous voulez accomplir ses volontés" (Jn 8 :44).

C'est pourquoi, enfant de l'incrédulité est celui qui fait oeuvre d'incrédulité. Vraisemblablement, comme le diable est appelé non seulement pécheur, mais le péché même, pour le motif je crois, qu'il en est la cause première, ainsi on pourrait l'appeler l'incrédulité elle-même pour le même motif.

Fils de la colère est celui qui s'en est rendu digne. Comme ceux qui sont dignes du Seigneur et accomplissent les oeuvres de la lumière et du jour, l'Apôtre les appelle fils de la lumière et du jour (1 Thess.5 :5), ainsi pouvons-nous comprendre le "nous étions des fils de la colère" (Eph 2 :3).

Il faut en tout cas le savoir, celui qui est enfant de l'incrédulité est lui-même fils de la colère. "Celui qui ne croit pas au Fils ne verra pas la vie, mais la colère de Dieu est sur lui" (Jn 3 :36).

Qu. 269  : Comme il est écrit : "Faisant les volontés de la chair et celles de nos pensées" (Eph 2 :3), les volontés de la chair sont-elles différentes de celles des pensées ? et quelles sont-elles ?

R. : Les volontés de la chair, tantôt l'Apôtre les énumère en grande partie et en les nommant lorsqu'il dit : "Évidentes sont les oeuvres de la chair, qui sont la fornication, l'impureté, l'impudicité, la luxure, l'idolâtrie, la magie, les inimitiés, les contestations, les jalousie, les colères, les rixes, les dissensions, les scissions, les envies, les meurtres, les orgies, les débauches et autres choses semblables" (Gal.5 :19-21); et tantôt il dit d'une façon plus générale : "L'intelligence de la chair est ennemie de Dieu, car elle n'est pas soumise à la loi de Dieu, et ne peut l'être" (Rom 8 :7).

Les volontés des pensées seraient les raisonnements qui ne s'appuient pas sur les Écritures, comme ceux au sujet desquels il est dit : "détruisant les raisonnements et toute prétention qui s'élève contre la connaissance de Dieu" (2 Cor.10 :4-5), et toutes les pensées qui ne sont pas soumises à l'obéissance au Christ.

C'est pourquoi il est nécessaire et salutaire de faire partout ce que dit David : "Je prends conseil de vos lois" (Ps 118 :24).

Qu. 270  : Que veut dire : "dans le dénuement et non dans le désespoir" ?

R. : C'est pour montrer la plénitude de sa confiance en Dieu en opposition à la manière de penser humaine, que l'Apôtre dispose ainsi, dans ce passage, les affirmations qu'on y trouve. Pour la manière de penser humaine, dit-il, "nous sommes opprimés de toute part" mais, touchant la confiance en Dieu, il ajoute : "nous ne sommes pas dans l'anxiété" (2 Cor.4 :8). Ensuite, pour la manière de penser humaine : "dans le dénuement", dit-il, mais, quant à la confiance en Dieu : "non dans le désespoir". Et ainsi de suite.

Telles sont aussi les paroles qu'il prononce ailleurs : "Comme des moribonds, nous qui sommes bien en vie; comme des indigents, nous qui enrichissons beaucoup d'autres; comme n'ayant rien, nous possédons tout" (2 Cor.6 :9-10).

Qu. 271  : Puisque le Seigneur dit : "Toutefois faites l'aumône suivant vos moyens, et tout sera purifié pour vous" (Lc 11 :41), est-ce que, dans l'aumône, on peut trouver la purification de ses péchés, quels qu'ils soient ?

R. : Le contexte l'explique clairement. Le Seigneur dit d'abord : "Vous purifiez le dehors de la coupe et du plat, mais l'intérieur est rempli de rapine et de méchanceté" (Lc 11 :41), et il poursuit ainsi : "Toutefois, faites l'aumône suivant vos moyens et tout sera purifié en vous".

Il est clair que chaque fois que nous commettons des fautes de rapine et de cupidité nous faisons en même temps du mal à autrui. C'est aussi ce que donne à entendre Zachée disant : "Voilà, je donne la moitié de mes biens aux pauvres, et si j'ai fait du tort à quelqu'un, je lui restitue quatre fois plus" (Lc 11 :39). Ainsi toutes les fautes de ce genre, qu'il est possible de réparer et pour lesquelles on peut donner davantage en contrepartie, peuvent être lavées de cette manière; et je dis : "de cette manière", non pas qu'elle soit en elle-même capable de purifier, mais parce qu'elle sollicite particulièrement la miséricorde de Dieu et le sang du Christ, dans lequel nous obtenons aussi la rémission de tous les autres péchés (Lc 19 :8), dès que nous faisons pour chacun de dignes fruits de pénitence (Eph 1 :7).

Qu. 272  : Étant donné le précepte du Seigneur : "Ne vous préoccupez pas du lendemain" (Lc 3 :8), comment en comprendrons-nous bien le sens ? Car nous constatons que nous apportons beaucoup de zèle à nous procurer le nécessaire au point de mettre de côté pour le plus longtemps possible.

R. : Celui qui accueille l'enseignement du Seigneur : "Cherchez d'abord le royaume de Dieu et sa justice" et est pleinement convaincu de la vérité de sa promesse : "et tout le reste vous sera donné par surcroît" (Mt 6 :33), affranchit son âme de tous les soucis matériels qui étouffent la doctrine et la rendent inféconde.

Quiconque mène aussi le bon combat pour plaire à Dieu, a confiance dans le Seigneur, qui a dit : "L'ouvrier mérite sa nourriture" (Mt 10 :10), et il ne se tracasse pas outre mesure à ce sujet. Il se préoccupe et se soucie non de lui-même, mais du précepte du Seigneur, comme l'indique et l'enseigne l'Apôtre en disant : "Je vous ai toujours montré que c'est en travaillant ainsi qu'il faut aider les pauvres" (Act.20 :35), car se préoccuper de soi c'est encourir le reproche d'égoïsme, tandis que s'inquiéter et se soucier de l'observance du commandement, c'est mériter l'éloge décerné à l'amour du Christ et du prochain. 

Qu. 273  : Par quelle conduite blasphème-t-on contre l'Esprit-Saint ? (Mc 3 :29)

R. : Certes, de la même façon que les pharisiens avaient blasphémé lorsque le jugement fut porté contre eux. Ainsi blasphème contre l'Esprit-Saint celui qui attribue à son adversaire (c'est-à-dire : au démon) les opérations et les fruits de l'Esprit-Saint.

C'est ce qui nous arrive à beaucoup lorsque, souvent, nous qualifions témérairement d'épris de vaine gloire un homme actif; que nous accusons à tort d'agitation ce qui part d'un bon zèle, et que nous donnons à d'autres choses de ce genre des appellations fausses, basées sur des soupçons méchants.

Qu. 274  : Comment quelqu'un devient-il insensé pour ce siècle ?

R. : Lorsqu'il craint ce jugement de Dieu : "Malheur à ceux qui sont sages à leurs propres yeux, et avisés à leur propre sens" (Is.5 :21), et imite celui qui a dit : "Je suis devenu stupide devant vous" (Ps 72 :22); lorsque rejetant toute prétention à l'intelligence, il n'estime pas parfaits ses propres raisonnements, bien plus, ne commence même pas à raisonner avant d'être accoutumé à la loi du Seigneur dans le but de plaire à Dieu soit en actes, soit en paroles, soit en pensées, suivant la déclaration de l'Apôtre : "Telle est notre conviction en Dieu par le Christ : non pas que nous sommes capables de concevoir quelque chose de nous-mêmes, comme venant de nous, mais que notre capacité vient de Dieu (2 Cor.3 :4-5), lequel découvre la science à l'homme" (Ps 93 :10), ainsi qu'il est écrit.

Qu. 275  : Satan peut-il empêcher l'accomplissement d'une bonne résolution ? Car il est écrit : "Moi, Paul, j'avais une première et une seconde fois formé le projet d'aller chez vous, mais le démon m'en a empêché" . (Thess.2 :18)

R. : Parmi les bonnes oeuvres accomplies dans le Seigneur, les unes se réalisent dans la volonté et dans le jugement de l'âme, les autres par le corps qui agit ou supporte. Celles qui résident dans la volonté ou le jugement, Satan ne peut aucunement les empêcher.

Pour celles qui se réalisent par les forces corporelles, souvent c'est Dieu même qui permet un obstacle, pour éprouver et faire connaître celui qu'Il retient. Il fait ainsi apparaître la versatilité dans le bon propos : tels ceux qui furent ensemencés sur la pierre et qui, après avoir reçu la semence avec joie, la difficulté survenant, abandonnèrent aussitôt (Lc 8 :13); ou encore, Il le montre ferme en ses bonnes résolutions dans son zèle pour le bien : tel l'Apôtre lui-même qui, souvent décidé à se rendre chez les Romains (Rom 1 :13), et, de son propre aveu, empêché de le faire, ne laissa cependant pas de le vouloir jusqu'à ce qu'il eut exécuté son projet.

Quant aux bonnes oeuvres qui se réalisent par la patience, Job en donne l'exemple : bien qu'il souffrît tant de maux de la part du démon, qui voulait l'amener à blasphémer contre Dieu et à Lui montrer de l'ingratitude, il ne cessa pas, jusque dans les plus grands malheurs, de tout interpréter avec des sentiments de piété, et de penser sainement de Dieu, car il est écrit de lui : "Dans toutes ces souffrances, Job ne pécha point en paroles et ne dit rien de déraisonnable contre Dieu" (Job1 :22). X

Qu. 276  : Que signifient ces paroles de l'Apôtre : "Afin que vous puissiez discerner quelle est la volonté de Dieu, ce qui est bon, ce qui lui plaît, ce qui est parfait" (Rom 12 :2) ? X

R. : Nombreuses sont les choses que Dieu veut : les unes, marques de sa longanimité et de sa bienveillance, sont bonnes et appelées telles, les autres, signes de sa colère à cause de nos péchés, sont appelées maux : "Car je suis, dit-il, celui qui fait la paix et crée les maux" (Is.45 :7). Ces maux, cependant, ne sont pas destinés à nous faire du tort, mais à nous éduquer, et les maux qui nous éduquent, en nous convertissant par la souffrance, tournent au bien.

Ce que Dieu veut dans sa longanimité et sa bienveillance, nous devons le vouloir aussi, et l'imiter : "Soyez, dit-il, miséricordieux comme votre Père est miséricordieux" (Lc 6 :36), et l'Apôtre dit de même : "Soyez des imitateurs de Dieu comme des enfants bien-aimés et progressez dans l'amour comme le Christ qui nous a aimés" (Eph 5 :4-2).

Les choses que Dieu provoque par colère à cause de nos péchés, et que nous appelons maux, comme je l'ai dit, parce qu'elles font souffrir, nous ne pouvons absolument pas les faire nous-mêmes. Lorsque la volonté de Dieu est que des hommes meurent de la famine, souvent, de la peste, de la guerre ou de quelque autre fléau semblable, nous ne pouvons y coopérer, car Dieu se sert pour cela du ministère des méchants, selon ces paroles : "Il a déchaîné sur eux la violence de sa colère, fureur et indignation et accablement, une foule de mauvais anges" (Ps 77 :49).

Ce qu'il faut donc chercher d'abord c'est le bien que Dieu veut; ensuite, lorsqu'on a reconnu ce bien, déterminer si, étant bien, il est aussi agréable à Dieu. Car parfois ce qui nous apparaît à nous comme étant la volonté de Dieu et bon en soi, ne lui est cependant pas agréable à cause de la personne qui l'exécute ou du moment : par exemple, encenser le Seigneur était à la fois une chose bonne et voulue de Dieu, mais il ne lui plaisait pas que ce fut fait par les partisans de Dathan et d'Abiron (Nombr.16 :1). Ainsi, faire l'aumône est bien et c'est voulu de Dieu, mais la faire pour être loué des hommes n'est plus du tout agréable à Dieu (Mt 6 :2). Ainsi encore, il était bien pour les apôtres et conforme à la volonté de Dieu qu'ils proclamassent sur les toits ce qu'ils avaient entendu à l'oreille (Mt 10 :27), mais parler avant le temps n'était plus agréable à Dieu : "Ne racontez cette vision à personne, dit-il, avant que le Fils de l'homme ne soit ressuscité d'entre les morts" (Mt 17 :9).

En somme toute volonté de Dieu sera bonne et capable de lui plaire lorsqu'à son propos sera réalisé ce que dit l'Apôtre : "Faites tout pour la gloire de Dieu" (1 Cor 10 :31), et : "Que tout se fasse dignement et avec ordre" (1 Cor 14 :40).

Encore, même si quelque chose est bon, voulu de Dieu et capable de lui plaire, ne faut-il pas être absolument sans crainte, mais il faut en plus s'inquiéter et se soucier de l'accomplir parfaitement et sans cesse, compte tenu de la conformité de l'action au commandement et des forces de celui qui l'accomplit : "Tu aimeras, est-il dit, le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme, de toute ta force et de tout ton esprit, et ton prochain comme toi-même" (Lc 10 :27). Le Seigneur, dans l'Évangile de saint Jean a enseigné de même, et pour tout commandement il doit en être ainsi : "Car bienheureux, dit-il, le serviteur que son maître, survenant, trouvera se comportant de cette façon" (Mt 24 :46).

Qu. 277  : qu'est-ce que ce cellier dans lequel le Seigneur donne à celui qui prie, l'ordre d'entrer ?

R. : Il semble que, d'habitude, on nomme cellier un bâtiment libre et retiré, dans lequel nous déposons les provisions que nous voulons conserver et où il est possible de se cacher, selon ce que dit le prophète : "Va, mon peuple, entre dans le cellier et cache-toi" (Is.26 :20).

Le sujet traité donne le sens de cet ordre : la parole s'adresse en effet à ceux qui souffrent du mal de vouloir plaire aux hommes. Par conséquent, si l'on est atteint de cette maladie, on fait bien de se retirer, pour prier, dans la solitude, jusqu'à ce qu'on ait pris l'habitude de ne plus faire attention aux louanges des hommes et de ne plus s'occuper que de Dieu, suivant celui qui a dit : "Voilà, comme les yeux des esclaves sur les mains de leurs maîtres, comme les yeux de la servante sur les mains de sa maîtresse, ainsi nos yeux sont fixés sur le Seigneur, notre Dieu" (Ps 122 :2).

Lorsque, par la grâce de Dieu, on est guéri de cette maladie, il n'est plus nécessaire de cacher le bien que l'on fait. C'est ce que le Seigneur nous enseigne en disant : "Une ville bâtie sur la montagne ne peut rester cachée, et on n'allume pas une lampe pour la mettre sous la huche, mais on la met sur le candélabre et elle éclaire tous ceux qui sont dans la maison. Que votre lumière brille ainsi devant les hommes, afin qu'ils voient vos bonnes oeuvres et glorifient votre Père qui est dans les cieux" (Mt 5 :14-16).

C'est ce qu'il faut comprendre et de l'aumône et du jeûne, à quoi il est fait allusion dans le même passage et, en somme, de tout acte de piété envers Dieu.


IKTHYS                                   --> 8^ partie