SERMON DU JEUNE DU DIXIEME MOIS
ET DES AUMONES


 Je vous exhorte avec confiance, mes frères, à la pratique de la piété, parce que je sais par expérience que vous recevez avec plaisir les conseils que je vous donne. Vous savez, et Dieu vous le révèle, que la fidélité que vous aurez mise à observer ses divins commandements vous procurera d'éternelles récompenses. Comme la fragilité humaine succombe très souvent sous le poids de ses devoirs, et que la faiblesse de notre nature nous fit commettre une foule de péchés, Dieu, qui est plein de miséricorde et de bonté, nous a donné des remèdes à nos maux et des moyens pour obtenir le pardon de nos fautes. Qui pourrait se garantir des charmes et des illusions du monde, des artifices du démon et des nombreux dangers auxquels l'inconstance de notre nature nous expose, si la clémence du Roi éternel n'aimait mieux notre salut que notre perte  ? Ceux qui déjà ont été rachetés, qui déjà sont les enfants régénérés de la lumière, sont exposés à toutes sortes de tentations tant qu'ils vivent dans ce monde "  qui est tout plongé dans le mal ", tant que, sujets aux faiblesses de la chair, leurs sens peuvent être émus par les charmes des choses mondaines et périssables. Personne ne peut aisément triompher sans effusion de sang et au milieu de tant d'ennemis, sous leurs coups multipliés, échapper à la mort et même ne recevoir aucune blessure. Ceux qui combattent contre l'ennemi invisible peuvent se servir de trois médicaments pour guérir les nombreuses blessures qu'ils reçoivent. La ferveur de la prière, la mortification du jeûne et la libéralité de l'aumône. Ces trois vertus, réunies en nous, nous rendent Dieu propice, effacent nos péchés et terrassent le tentateur. Une âme fidèle doit toujours être munie de ces secours, et redoubler de ferveur, surtout en ces temps qui sont particulièrement consacrés à la pratique des oeuvres pieuses. Le jeûne du dixième mois est à l'une de ces époques, et il ne faut point le négliger sous prétexte que c'est une pratique tirée de l'ancienne loi, comme s'il prescrivait aussi certaines coutumes que l'on n'observe plus, comme la défense de manger de certaines viandes, les anciennes purifications et le sacrifice de certains oiseaux et de certains quadrupèdes. Toutes ces choses, qui n'étaient que des figures, ont cessé quand les vérités qu'elles signifiaient ont été accomplies. La grâce du nouveau Testament n'a point aboli le jeûne ; elle a maintenu sa religieuse observation, parce qu'il est d'un grand secours pour conserver la pureté de l'âme et du corps. Comme les commandements tels que   : " Tu adoreras le Seigneur, ton Dieu, et tu Le serviras Lui seul " (Mt 4,10), et " Tu aimeras ton prochain comme toi-même " (Mt 22,39), sont toujours observés par les chrétiens, ainsi les préceptes de l'ancienne loi qui concernaient le jeûne n'ont point été abolis par la nouvelle. Chaque jour, et pendant toute notre vie sur cette terre, le jeûne nous fortifie contre le péché, le jeûne amortit le feu de la concupiscence, délivre de la tentation, humilie l'orgueil, réprime la colère et forme une vertu consommée de bons désirs que le coeur enfante. Il faut cependant pour cela qu'il soit secondé par le mérite de la charité et l'usage prudent de l'aumône. Le jeûne, dénué du secours de cette vertu, ne contribue tant à purifier l'âme qu'à mortifier le corps   : c'est plutôt souvent un effet de l'avarice que d'une véritable pénitence, quand on se contente simplement de s'abstenir de nourriture sans montrer sa piété par de bonnes oeuvres. Il faut, mes frères, que l'aumône augmente les mérites de nos jeûnes, et qu'ils deviennent féconds en quelque sorte, par les largesses que nous ferons aux pauvres de Jésus Christ. Que ceux qui ne sont pas riches ne se rebutent point parce qu'ils ne peuvent retrancher que peu de choses de leur bien. Le Seigneur connaît parfaitement leurs ressources, et, juge équitable, Il sait les bornes que chacun est forcé d'imposer à sa générosité. Puisque le partage des biens est si inégal, tous ne peuvent donner également ; mais le mérite de l'intention supplée à l'inégalité du présent ; la bonne volonté remplace ce qui lui manque. Pour nous disposer à ces bonnes oeuvres, avec la Grâce de Dieu, nous jeûnerons le mercredi et le vendredi, et le samedi nous célébrerons les vigiles dans l'église du bienheureux apôtre Pierre, afin qu'avec son intercession nous puissions mériter la Miséricorde de Dieu.


IKTHYS