A LA TRES PIEUSE IMPÉRATRICE PULCHÉRIE


 Nous avons déjà éprouvé en de nombreuses circonstances tout le secours que le Seigneur avait préparé à son Église dans votre Clémence impériale. Mais ce que vous avez fait dans ces temps pour protéger le zèle des évêques contre les ennemis de la vérité catholique tournera à la plus grande gloire de votre Majesté, qui, montrant ainsi qu'elle reçoit les inspirations du saint Esprit, Lui soumet sa puissance en toutes choses et règne par sa Grâce et sa Protection. J'ai appris par les lettres de notre frère et collègue Flavien, et le texte des actes du concile m'a fait connaître d'une manière positive qu'Eutychès a fait naître de grands troubles dans l'Église de Constantinople, en soulevant des questions contraires à la foi catholique. Il est digne de votre gloire de détruire ces erreurs, nées plutôt, comme je le crois, de l'ignorance que de l'iniquité, avant qu'elles puissent se répandre et acquérir des forces par l'approbation des esprits peu éclairés, dont l'opiniâtreté est si dangereuse. Souvent l'ignorance commet des fautes graves ; souvent la simplicité imprudente se précipite aveuglément dans les pièges du démon, et je crois que c'est ainsi qu'Eutychès s'est laissé surprendre par l'esprit du mensonge. Il pense rendre hommage à la Majesté du Fils de Dieu, en disant que notre nature n'existe point réellement en Lui, et en pensant que le Verbe, qui S'est fait chair, est d'une seule et même essence. Autant Nestorius, qui affirma que la mère du Christ n'avait enfanté qu'un homme, s'est écarté de la vérité, autant celui-ci s'éloigne de la foi catholique, qui pense que cette même vierge ne donna point le jour à une nature semblable à la nôtre. Il veut ainsi que l'on croie à la seule réalité de la Divinité, et que cette forme d'esclave, qu'Il prit semblable et conforme à la nôtre, ne fût, loin d'être véritable, qu'une image trompeuse de notre nature. Il ne sert à rien de reconnaître que notre Seigneur, fils de la bienheureuse vierge Marie, fut un homme véritable et parfait, si l'on ne croit qu'Il fut un homme de cette race dont parle l'évangile. Matthieu dit  : " Généalogie de Jésus Christ, fils de David, fils d'Abraham " et il part ainsi de la source de son origine humaine et parcourt toutes les générations jusqu'à Joseph, qui fut l'époux de la mère du Seigneur. Luc, examinant les générations en sens contraire, remonte jusqu'au père du genre humain, afin de prouver que l'ancien Adam et le nouvel Adam sont de la même nature. La Toute-Puissance du Fils de Dieu aurait pu apparaître aux hommes pour les instruire et les sauver de la même manière qu'elle se révéla sous les apparences de la chair aux patriarches et aux prophètes, soit lorsqu'elle lutta avec Jacob et lui fit entendre sa voix, soit lorsqu'elle accepta l'hospitalité d'Abraham et qu'elle prit la nourriture qu'elle offrit. Mais ces vains fantômes n'étaient que les présages de l'arrivée de l'Homme qui devait venir  : mystiques prophéties, elles annonçaient la réalité de la chair qu'Il devait prendre dans le sang de la race des patriarches. Et ces vaines images ne pouvaient accomplir le mystère de notre réconciliation, que Dieu dans sa Sagesse avait préparé avant les temps éternels, parce que le saint Esprit n'avait encore plané sur la Vierge et la Vertu du Très-Haut ne l'avait point encore couverte de son ombre, afin que la Sagesse se construisît une maison dans ces entrailles non profanées, que le Verbe se fît chair en réunissant en une seule Personne la Nature de Dieu et la nature de l'esclave, que le Créateur du temps et de tout l'univers naquît au milieu de toutes les créatures à une époque déterminée. Si l'Homme nouveau, créé à la ressemblance de la chair du péché, n'avait point revêtu notre vieille nature, et, consubstantiel à son Père, n'avait daigné être consubstantiel à sa mère, et, seul impeccable, n'avait point uni notre nature à la sienne, l'humanité gémirait encore sous le joug du démon, et nous n'aurions point triomphé de lui par la Victoire du Christ, s'Il l'avait remportée dans une autre nature que la nôtre. Dans ce partage de son Triomphe, Il nous a octroyé cet admirable sacrement de régénération de telle sorte que, par la Grâce du saint Esprit, qui a fait naître Jésus Christ de la Vierge, nous aussi, qui sommes nés de la concupiscence de la chair, nous naissions de nouveau par une naissance spirituelle. C'est pourquoi le Théologien dit à des fidèles  : " Lesquels sont nés, non du sang, ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l'homme, mais de Dieu ". (Jn 1,13) Il ne peut participer à cette Grâce ineffable et mériter d'être adopté par Dieu, celui qui ne veut point croire à cette vérité, qui est le principe de notre salut. Aussi j'éprouve un vif chagrin et une grande douleur de ce que ce prêtre, dont l'humilité paraissait autrefois si digne d'éloges, ose proférer d'absurdes mensonges contre cette vérité, qui fait notre unique espérance et celle de nos pères. Lorsqu'il vit que sa doctrine était blâmée par les catholiques, il aurait dû la condamner lui-même et ne point attendre que les chefs de l'Église soient forcés de prononcer la sentence de sa condamnation ; car le Siège apostolique , qui ne s'écarte jamais des lois de la justice et de la modération, frappe avec plus de sévérité les pécheurs endurcis et pardonne avec joie à ceux qui se repentent. Comme j'ai la plus grande confiance dans la foi sincère de votre piété, je prie la gloire de votre Clémence de déployer en cette occasion le zèle qu'elle a toujours montré pour la religion catholique, et de contribuer à son triomphe. Peut-être le Seigneur a-t-Il permis que ce fléau fondît sur nous pour nous éprouver, afin que l'on puisse connaître ceux des fidèles qui partagent en secret, dans l'Église, les erreurs d'Eutychès ; aussi est-il de notre devoir de nous empresser de les éclairer et de les purifier, afin que nous n'ayons point à déplorer leur damnation éternelle. L'empereur très auguste et très chrétien, désirant voir mettre fin à ces troubles le plus tôt possible, a fixé à une époque beaucoup trop rapprochée la célébration du concile, qui, selon sa volonté, doit se tenir à Éphèse. En arrêtant sa convocation au jour des calendes d'août, le temps qui nous reste, à nous qui n'avons reçu les lettres de sa Majesté que le troisième jour des ides de mai, nous suffira à peine pour préparer le départ des évêques qui nous représenteront en cette circonstance ; car l'empereur a jugé convenable que j'assistasse en personne à ce concile ; mais outre qu'aucun exemple précédent ne m'en fait une loi, je suis dans l'impossibilité de me rendre à son désir, car l'état incertain des affaires publiques ne me permet pas de m'éloigner du peuple d'une si grande ville ; les esprits se livreraient au désespoir s'ils voyaient que je veuille abandonner ma patrie et le Siège apostolique pour me rendre au concile. Comme vous voyez qu'il est de l'intérêt public que je ne m'arrache point à l'amour et aux prières des citoyens, pensez que j'assiste aussi au concile d'Éphèse, dans la personne de ceux de mes frères que j'ai envoyés à ma place. Je leur ai enseigné les vérités qu'ils devaient défendre dans cette cause, que les actes du concile de Constantinople et la profession de foi d'Eutychès m'ont fait connaître parfaitement. Ce n'est point sur quelque petit détail de nos dogmes, difficile à comprendre, qu'il a établi son erreur, mais il a osé poursuivre de ses insultes insensées une vérité que notre Seigneur a voulu que personne de l'un ou de l'autre sexe n'ignorât dans son Église. En vérité, cette profession de foi si courte et si parfaite du Symbole catholique qui est composé tout entier des paroles des apôtres, présente des instructions toutes divines, qui suffisent pour anéantir toutes les doctrines des hérétiques. Si Eutychès, animé par des sentiments simples et purs, avait voulu remplir son coeur des instructions salutaires de ce Symbole, il ne se serait jamais écarté en rien du décret du très saint concile de Nicée, et il aurait compris qu'il lui était défendu par les lois des saints pères d'avoir aucune pensée, de proférer aucune parole contre cette foi des apôtres, qui, sans l'unité, n'existe point. Aussi, vous daignerez, avec votre zèle ordinaire, travailler avec nous à bannir de toutes les âmes les blasphèmes insensés qu'il a proférés contre notre salut. Si ce malheureux, qui a succombé à la tentation, vient à se repentir de ses erreurs et les condamner par écrit, on le rétablira dans sa dignité de prêtre et d'archimandrite. Votre Clémence voudra bien aussi prendre connaissance des lettres que j'ai adressées au saint évêque Flavien, dans ce but qu'on n'oublie pas les lois de la charité envers ceux qui reconnaîtront leurs erreurs et les condamneront.

Fait aux ides de juin, sous le consulat des très illustres Astère et Protogène.


IKTHYS